Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
et, s’il était Tristan, elle n’était point Yseult ; mais il devait tenir tête à ce présomptueux, se montrer plus distant qu’il ne l’était d’ordinaire pour acquérir son respect.
    _ S’éprendre aussi promptement, c’est marmouserie !
    Tristan n’en disconvint pas. Saisissant la main de la jouvencelle, il sentit avec plaisir ses petits doigts fiévreux s’insérer entre les siens.
    –  Tu n’es pas à l’abri d’une pareille défaillance, Bagerant… À cette seule différence que le consentement de la pucelle ou de la dame de tes désirs t’importe peu !… Tu la veux, tu la prends… Je suis sûr qu’il advient qu’on te la serve au lit comme un mets de choix dont tu te repais sans façons !
    – On ne peut pas aimer aussi vélocement !
    – Que peux-tu savoir de l’amour, toi qui répands partout la cremeur 39  !
    Quelle étrange aventure, tout de même : il avait hurlé à la mésalliance quand son père lui avait annoncé son intention d’épouser Aliénor, et il se découvrait incapable de résister à l’effréné désir de faire sienne une roturière dont il ne savait rien sinon qu’elle était belle.
    – Si tu l’aimes, mariez-vous. C’est sa seule sauvegarde.
    – Holà ! Cria dans l’assemblée la voix rancuneuse d’Eustache tandis que l’épouse du tavernier poussait celui-ci en avant. Holà ! Elle nous appartient.
    – On l’a payée.
    – Ferme ton bec, femme !… Et toi le tien, maquereau ! Je vous baillerai une bourse en quittant votre auberge. Et si vous maugréez, je vous ôte la vie.
    La bouche de Bagerant, tourné vers Tristan, devint celle d’un chien qui grogne :
    – Tu devras, bien sûr, me rembourser.
    – Soit.
    Quelque chose de vénéneux passa dans le sourire du chef de route. Il se délectait sournoisement de sa supériorité et d’une situation dont il profiterait. Mais de quelle façon ?
    « A de pots coma un rebord de pissadou (1) 73  », se dit Tristan.
    – Tu la veux, Castelreng, tu l’épouses, car je te déconseille d’en faire seulement ta concubine : on voudrait te la prendre et tu devrais souventefois tirer l’épée pour la conserver… Comme mari et femme, on vous laissera quiets et aimants. Il va de soi que vos noces seront célébrées à Brignais, en présence de tous mes amis. Tiercelet et moi serons témoins… Tu vas me dire qu’il faut un presbytérien pour vous unir devant Dieu… Nous en avons un.
    « Que Dieu doit haïr », songea Tristan, mais il n’osa, ce commentaire.
    – Dès demain, Castelreng, je t’entretiendrai de ta dette.
    – Je gage qu’elle sera…
    – Aussi élevée que ton admiration pour cette fille. Si ta famille est fortunée, tu lui enverras Tiercelet. S’il revient les mains vides, tu ne failliras pas à l’honneur et deviendras mon homme lige. Tu me rembourseras au moyen d’écus de rapine… J’obtiendrai ainsi, et pour longtemps, ton précieux dévouement !
    « Tout cela est abject ! » déplora Tristan.
    Tandis que d’un sourire il apaisait Tiercelet, il rassura d’une pression de main sa « fiancée », prenant de nouveau plaisir à découvrir un charme rare et un indéniable estoc (1) 74 à cette pure figure où les ombres de la peur s’effaçaient. Quelques moments avaient suffi pour qu’Oriabel passât de l’effroi à l’espérance et de l’espérance au bien-être ; de la sécheresse de cœur à la gratitude, puis à la passion. Il devrait veiller sur sa personne avec une vigilance constante ; Bagerant éprouverait une joie particulière à ne plus assurer sa sauvegarde : leur amour soudain, outre qu’il l’irritait, lui faisait toucher du doigt, peut-être, l’absurdité d’une vie de débauche. Oui, à Brignais et ailleurs, d’autres épreuves leur seraient réservées. Elles fourniraient à leurs sentiments réciproques une trempe hors du commun.
    –  Je dois dire que tu m’as ébaubi, la belle, dit le routier. Tu t’es bien défendue des ardeurs de Mahieu le Roux… Veux-tu épouser ton bienfaiteur ?
    Oriabel rougit en disant oui, très bas, mais fermement. Elle cacha son visage contre l’épaule de Tristan qui, de joie, l’étreignit avec force.
    – Bonne affaire pour toi !… Je jurerais qu’il est un chevalier.
    Tiercelet se pencha, sévère, et demanda :
    – Tu en es vraiment épris ?
    – Tu me connais suffisamment pour me savoir incapable d’épouser une pucelle dont je ne serais pas amouré !
    Posant sa

Weitere Kostenlose Bücher