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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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« oui ».
    – Le Petit-Meschin a fait monter moult charretées de pierres et cailloux car il a l’intention de demeurer en ces lieux quand il sera repu de randons et conquêtes… La vue porte loin : on peut se garantir de tous les dangers. Venez là-bas tous deux, nous y ferons bombance à la façon des Romains : chair rôtie et chair fraiche, toutes délicieuses, et qu’on peut renouveler à l’envi.
    – Je ne me sens nullement disposé aux orgies Bagerant, surtout quand les femmes n’y sont pas consentantes… À Rome, la Rome des dieux païens dissolus, elles l’étaient…
    Par la fermeté d’un propos où l’ironie et le dédain se mêlaient en parties quasiment égales, Tristan sut qu’il forçait Tiercelet à l’estime, peut-être à l’admiration. Bagerant se courba, se ramassa sur lui-même comme un taureau furibond :
    – Sors-tu d’un moutier pour me parler de la sorte ?
    –  Et si c’était ?… Voudrais-tu que je te confesse ?
    –  Tu sais bien que cela te prendrait trop de temps s’ébaudit le routier en assenant un coup de poing si l’épaule de Tristan.
    « Il me déteste, sans quoi il m’eût frappé du plat de la main ! »
    Les yeux ardents de Bagerant s’étaient faits plus petits ; ses joues maigres, soudain enflammées, se gonflaient alternativement comme s’il venait de gober un petit animal ou un insecte qui se débattait avant d’être noyé dans une rasade de vin, et avalé. Il se mit à décrire Brignais d’une façon impétueuse et sans doute excessive : le château que quelques travaux rendraient imprenable ; les pentes roides, pierreuses, où les moutons trouvaient leur juste nourriture ; les vastes espaces qu’on découvrait de ces hauteurs.
    Tristan écoutait à peine. Il tremblait pour Oriabel. Qu’un coquin fît un geste et il le pourfendrait. Elle sinuait, craintive, parmi les buveurs. Une main se levait qu’elle sut éviter ; une autre qu’elle repoussa fermement. On lui toucha la fesse ; elle bondit comme sous l’effet d’un aiguillon. Il y eut quelques rires et des « Hou ! Hou ! » désapprobateurs.
    Tout proche de Bagerant, un jouvenceau roux, boutonneux, au nez en pied de marmite, épiait la servante avec l’agitation d’un furet en présence d’une proie.
    « S’il y touche… » songea Tristan.
    Il y avait autour de lui le bourdonnement exaspérant des voix rudes ; il y avait en lui le grondement d’un sang fiévreux. L’idée d’occire ce malandrin rougeaud fermentait dans son crâne, bien qu’il n’eût rien commis encore.
    – Doucement…
    Ce chuchotis, c’était celui de Tiercelet : il savait. Et c’était à lui, Tristan, d’accepter l’évidence : il s’était épris d’Oriabel ; tout le courant de sa pensée bouillonnait dans un sens unique : elle serait sienne, il l’épouserait. Ce ne serait pas mésalliance : elle était si belle, si noble de visage et d’allure…
    Elle venait vers lui, faible et pâle. Il respira un grand coup, devinant sur son visage le regard curieux, despotique, de Naudon de Bagerant. Oui, il épouserait cette manante ; il la défendrait maintenant comme un homme défend son épouse. « Gare à toi, rouquin ! » Il avait tout prévu :
    Le rougeaud bondit, empoigna la jouvencelle par la taille, riant qu’elle martelât de ses poings les bras qui la maintenaient contre lui.
    – Holà ! Que te prend-il ? C’est ton bien que je veux !
    Juchant aisément Oriabel sur son épaule, il avança vers l’escalier, acclamé par ses compagnons, leur gobelet levé à sa santé.
    Tristan vit le regard éperdu de la servante. Promptement, par la lame, il lui tendit son couteau. Saisissant le manche à deux mains, elle plongea l’acier jusqu’à la garde dans le dos du malandrin.
    Le rouquin s’affala. Il y eut des cris, une turbulence de meute cernant une biche effrayée. La rumeur monta, roula comme un flux tempétueux jusqu’à Tristan. Il vit un homme bondir et saisir la jeune fille à bras-le-corps.
    « C’est Jovelin !… Je vais l’occire ! »
    Eperonné de puissance et de rage, Tristan attrapa le routier par son colletin et lui lança, du revers de sa dextre, une gourmade si furieuse que le nez assez long se rompit et saigna.
    – Fais le fier avec moi si tu l’oses !
    Agile et prompt malgré la gêne de son épée, il passa sous le bras du truand, le ceintura et le fit choir sur les dalles en s’aidant d’un croc-en-jambe. Alors, tombant sur

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