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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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main sur la hanche d’Oriabel, Tristan la sentit frémir, mais c’était de contentement, cette fois. Comment eût-il pu lui avouer qu’en ce moment même, il s’apeurait sans frein ni remède ? Tandis qu’il s’employait à la délivrer, sa fureur s’était imprégnée du plaisir de se montrer solide, habile, décidé – tant à elle qu’à ces hommes de sac et de corde qui les entouraient et dont la confusion aidait son sauvement. Maintenant, le sentiment de sa déchéance le pénétrait aussi violemment qu’un vireton d’arbalète. Il allait devoir s’embourber dans la honte et la corruption ; assister, impuissant, à des excès de toutes sortes, malgré le justement, possédait-il cette capacité de lui dispense le bonheur ? Il ne pouvait maintenant exprimer ses craintes et ses rancœurs à la jeune fille. Il importait qu’il la rassurât encore et encore. En apparence, il avait triomphé d’une partie difficile ; en réalité, il était vaincu par Naudon de Bagerant.
    – Combien exiges-tu, compère, pour la liberté de ma future épouse ? Pour toi, elle ne vaut rien. N’en hausse pas l’importance par aversion contre moi ou amertume contre elle !
    Désemparé mais tenace, Tristan n’osait regarder Oriabel. Il avait, présentement, sa destinée entre ses mains avant même d’avoir son corps. Bagerant se mit à rire :
    – Tu me connais mal. Je te dirai le prix de la rançon demain. Tu aimes cette donzelle : tu subiras d’un cœur léger mes volontés… Tiens : te dirais-je maintenant que je vais la livrer à mes hommes…
    – Oh ! gémit Oriabel, mains jointes et prête s’agenouiller.
    –… que pour lui épargner cette… humiliation, tu ramperais à mes pieds. Oui ou non ?
    – Il se peut.
    – C’est la réponse que j’attendais de toi !
    Bagerant dévisagea ses compagnons un par un. Cette mansuétude feutrée, digne d’un clerc et même d’un Pape, mais bouillonnante d’orages intérieurs, le confondait. Il s’inclina devant Oriabel en murmurant un : « N’aie crainte » qui, assurément, signifiait : « Méfie-toi ! » et commanda :
    – Sortons !… Nous revenons à Brignais.
    – Songez à mes écus ! pleurnicha Eustache.
    – Tiens, prends cette escarcelle !… Allons, passe devant moi, Castelreng ! Toi, la fille, suis-le pour le meilleur ou pour le pire, comme disent les presbytériens… Il te prendra en croupe.
    Insensible aux rires qui s’élevaient, Tristan quitta la taverne, la petite main d’Oriabel, brûlante, perdue, accrochée à la sienne.
    – Messire, balbutia-t-elle, vous me donnez une seconde vie…
    Tiercelet les suivait de près, bien décidé à les protéger. Toujours Tiercelet. Toujours cette bonté au tréfonds d’un cœur sec et noir.
    – N’aie crainte, dit Tristan à voix basse.
    Après qu’il eut baisé la jouvencelle sur la tempe, il ceignit ses épaules d’un bras.
    – Il convenait que tu sois sauvée. Je t’épouserai.
    – Mais vous ne m’aimez pas ! Je vais vous être à charge !
    Il la voyait à peine dans la nuit grise. Entre ses tresses d’or, elle avait un air apeuré, doux et fidèle. On eût dit qu’elle lui était attachée depuis longtemps, qu’elle l’admirait depuis leur jeunesse prime.
    – J’étais seul… Oui, malgré Tiercelet, j’étais seul… Quand tu m’es apparue, je me suis dit : «  C’est elle ! » Et j’ai senti mon cœur grossir et s’embraser.
    – En l’état où je me trouvais ? Sans rien savoir de moi ?
    Oriabel s’exprimait avec plus de force qu’il ne lui en avait senti. Son visage s’était animé ; ses yeux pétillaient des clartés d’un ciel pourtant avare de lumières. Cet amour inattendu, inespéré, l’étourdissait. Elle dit, baissant les yeux :
    – Je suis pure et vous en fais serment.
    – Je te crois.
    – Tristan, c’est un beau nom.
    Dans l’ordre de ses sentiments, l’admiration dépassait la reconnaissance. Et c’était mieux ainsi, songea-t-il tandis qu’elle regardait devant elle, devant eux, bien droit.
    Tristan s’arrêta devant son cheval, tout proche d’un autre à la croupe couverte de cuir grêlé d’acier. Ce devait être celui du chef de compagnie. Il se jucha la selle et tendit sa dextre à Oriabel. Agile et souple, elle fut aussitôt près de lui, le serrant fort à la taille.
    – J’ai grand-peur. Jamais vous ne pourrez acquitter ma rançon.
    – Je vous délivrerai. Je nous délivrerai avec ou

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