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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sans rançon. Et cet homme-là, Tiercelet, nous aidera j’en suis sûr.
    Le brèche-dent marchait vers son Blanchet. À quoi pensait-il ?
    « Voilà une seconde fois ma mission compromise !… Le mauvais sort, toujours. La cuidançon (1) 75 la plus noire ! »
    Aucun remède, présentement, contre cette malchance. Tristan regarda les hommes, de l’autre côté de la cour. Ils enfourchaient leurs chevaux et leurs mulets en riant de la colère d’Eustache qui, de son seuil, hurlait en brandissant ses poings :
    – C’est trop peu, Bagerant !… Il me faut le double !… Reviens !… Si tu ne reviens pas…
    – Si je reviens, maraud, ce sera pour t’occire !
    – C’est trop peu, Naudon, pour une fille aussi belle ! insista la voix enrouée du tavernier.
    –  S’il dit un mot de plus, je reviendrai demain ! Bon sang : je le percerai à plaisir et son Aldegonde avec lui… Tu t’en réjouiras, Oriabel.
    Bagerant ne reçut aucune approbation. À l’inverse d’un chevalier bien né, sautant en selle sans toucher l’ étrier, il dut avoir recours à l’un de ses hommes pour se hisser sur son roncin. Il parut indigné du regard que Tristan lui lançait, puis une joie brutale fit apparaître ses dents :
    –  Vous devez avoir fort envie d’arriver à Brignais. Or, je vous en préviens : faute de lit, vous devrez forniquer sur la paille. Les rats, qui sont nombreux, verront tous vos ébats, car on dit qu’ils voient clair dans les pires ténèbres !
    Tristan sentit Oriabel frémir. Il demanda sans se retourner :
    – D’où sors-tu vraiment, m’amie ? D’un châtelet ? D’une échoppe ?
    – D’un châtelet sans être châtelaine… Chambrière… Je vous raconterai.
    – Nous avons le temps, dit-il en laissant son cheval ambler sur le pavé noir, miroitant de flaques de boue.
    C’était façon de parler. Dommage qu’il n’eût pu livrer à Tiercelet la moindre confidence. En aurait-il désormais l’occasion ? On lui avait enjoint d’observer les routiers. Il tombait en plein dedans. Comment s’en sortirait-il, maintenant ?
    Il entendit un rire. Bagerant… Toujours lui !
    – Faudra-t-il, si j’ai envie de pinter chez Eustache, que je me précautionne en mettant mon armure ?
     
    ***
    « Qu’est devenue la mienne ? » se demanda Tristan.
    « Laissez votre harnois dans votre chambre », lui avait dit Jean II, « Orgeville ou Salbris vous le rapportera en votre logis… Tenez-vous sagement dans l’ombre… Vous savez qu’Edouard III a des espies partout ainsi que ce larron de Charles de Navarre !…
    C’est lui, mon gendre, et des routiers que je veux vous entretenir aussi brièvement que possible… Pensez si mon courroux est… énorme : Charles a des prétentions – mais oui ! – sur le duché de Bourgogne !… Il a des droits dessus, je sais (1) 76 mais ce serait un crime que de donner la moindre parcelle de terre à ce fol qui ne cesse de me donner des coups d’épée dans le dos, qui s’est allié aux Jacques, à Etienne Marcel, à Edouard d’Angleterre, et qui a maintenant une autre alliance en tête… Le péril est énorme et vous l’allez comprendre ! »
    Bien qu’au cours de sa captivité on l’eût traité avec des égards sans pareil, ce roi vieillissant portait moins le poids de son âme et de son corps que celui de ses fautes. Et Jean, qu’on avait surnommé le Bon par antiphrase, n’était peut-être pas dupe du respect qu’il lui montrait, lui, Tristan. Les abondantes lumières accusaient presque férocement la lividité de cette face triste où le sourire émanait des prunelles enfouies sous des sourcils fricheux plutôt que des lèvres gercées de froid et d’amertume. Cet homme-là un roi ? Nullement : un vaincu. La maigreur de son nez faisait de celui-ci une lame de chair et de cartilage un peu rouge en son extrémité ; ses cheveux jadis roux commençaient à blanchir. Il caressait parfois d’un geste efféminé le lambeau de poils pâles qui, juste sous sa lèvre inférieure, rejoignait une barbe assez touffue qui fournissait un peu de fermeté à un menton inexistant. Comme Salbris, après avoir frappé, poussait violemment la porte, il l’avait éconduit d’un vol de main, puis il s’était tourné vers la cour où un coq chantait :
    « Je sais, par Philibert Paillart et Bertaut d’Uncey, qui viennent de me quitter, que les routiers se concentrent au cœur du royaume… En Lyonnais peut-être. Mon gendre,

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