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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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vivre l’existence de leur choix, s’adonnaient-ils follement, bestialement, à tous les plaisirs que pouvait leur dispenser cette force énorme contre laquelle, jusqu’à présent, se rompait celle des honnêtes gens.
    – Il a fui à Poitiers, dit Tristan… Pourquoi ? Pour que les Anglais le fassent prisonnier, lui sauvant ainsi la vie… Et c’est Audrehem qui paya sa rançon.
    – Tout lui est bon, approuva Bagerant… C’est lui qui, le premier, eut l’idée de rançonner le Pape !… On dit que, désireux de se fixer en Bourgogne, il est sur le point de contracter un brillant mariage avec Jeanne de Châteauvillain-en -Champagne et de Thil -en- Auxois.
    _ Bon sang, enragea le Petit-Meschin, sa première femme est à peine froide.
    _ On dit que la seconde est opulente en tout (2) 01  ! …
    Fortune et corps, il saisira la manne et la dame à pleins bras.
    Et Bagerant repoussa son écuelle. Il n’y restait qu’un morceau de gras de viande. « Mais, constata Tristan, il n’y a ici ni chats ni chiens ! » Bérart d’Albret vida son hanap et se gargarisa avec son contenu. Le vin avalé, il cracha son opinion :
    – Cervole a tout d’un truand qui voudrait passer pour vertueux. Je ne m’y suis jamais fié. Il n’est ni avec le roi ni avec nous, ni contre le roi ni contre nous…
    –  Il est pour lui et pour lui seul, dit un routier ? s’approchant de la table. Et c’est pourquoi, sous peu, il nous aidera. Hein, Naudon ?
    L’homme était grand, solide, et vêtu simplement une cuirie noire, des hauts-de-chausses rouges comme s’il sortait d’un cuveau de sang. Il avait le crâne ras. D’épaisses moustaches brunes lui tombaient au menton. Il les tortillait de ses mains – des mains grosses, si sales et bombées sur leur revers qu’on eût dit des tortues.
    – Qui est-il ? demanda Tristan à Bagerant.
    – Le Bâtard de Monsac. Il a servi d’Archiprêtre jusqu’à l’an passé. Mais comme il était las de ses retournements, il nous a rejoints.
    Garcie du Châtel tapa sur la table. Muselant ainsi tous les convives, il affirma :
    – Cervole allait se placer sous le commandement d’Etienne Marcel quand le prévôt des marchands fut occis !
    – Je sais aussi cela, dit Tristan. C’est ce qu’on raconte.
    – En quels lieux, compère, dit-on ces choses ? questionna Jean Aymery.
    Tristan hésita. Sujet à caution, il devait obtenir l’agrément de ces vautours : il aurait plus d’aisance à trahir la confiance des uns, à déjouer la surveillance des autres. Son admission dans leur sinistre consistoire dépendait de sa sincérité.
    – Dans l’entourage du roi Jean, dit-il sèchement.
    Il y eut un silence chargé de stupeur et de haine.
    Impossible de rester serein en présence de tous ces regards. Ils étaient perçants.
    –  Ainsi, tu fréquentais la Cour, dit Naudon de Bagerant.
    La couleur noire, stridente, des yeux de ce forcené, exprimait plus que de la haine : l’abomination de la désolation prédite par Daniel. Cet homme était davantage qu’un suppôt de Satan : il était son fils bien-aimé, son disciple.
    – Alors, cette Cour ? Réponds… Tu parais empeuré !
    – Non, compère, tu ne m’effraies point. Cette Cour…
    Tristan reprit son souffle. Son regard soutint celui du routier :
    – Disons plutôt, Naudon, que je la traversais… Qu’aucun de vous ne se fasse de fausses idées sur moi ! Je ne suis qu’un petit hobereau, né en Langue d’Oc, qui s’est efforcé, en perdant ses illusions sur la Couronne, de perdre son accent pour qu’on ne s’en gausse pas !
    Tristan se tourna vers Oriabel, lasse mais attentive. Il posa sa main sur la sienne. Dix coquins virent ce geste ; puis davantage. Il se sentit envié tout autant que détesté. Plus le sentiment qu’il vouait à la pucelle lui semblait menacé, précaire, plus il se magnifiait. Il l’aimait. Aucun doute, et Bagerant le savait. Ces amours nées devant lui, de par lui, ahurissaient ce coquin. « Même si je lui sauvais la vie, il ne me tiendrait pas quitte d’une créance qu’il rendra impayable ! » Il soupira tandis qu’Arnaud de Thillebort, un doigt tendu, demandait :
    – D’où viens-tu ?
    À quoi bon répondre à cet être ignoble qui n’était pas un chef, tout juste un lieutenant. Tristan vida son hanap. Une fatigue doucereuse s’insinua dans son corps, du cou jusqu’aux jarrets. Il devait, pourtant, feindre l’intérêt pour tout ce qui se disait

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