Les amants de Brignais
barbotions.
Soudain tournée sur le ventre, elle enfouit son visage dans les draps :
– Nous vivions bien… Mon père était charron… Il est mort d’une ruade de cheval, il y a deux mois… Tout a changé, Tristan.
Il cessa de lui flatter l’échine. Sa main descendit le long de son dos avec une légèreté de plume pour s’immobiliser sur le bombé de chair dure et tendre où ses doigts mouvants s’attiédirent avant que d’aller s’attarder sur l’autre, tandis que le souffle d’Oriabel se mourait pour renaître plus fort.
Comme il était loin de la fumeuse solennité de dame « Perrette ! Si maintenant un pur désir l’aiguillonnait, il savait le dominer, le laisser serpenter dans ses membres, soyeux et clair comme ce corps dont ses regards ne cessaient de se repaître.
Oriabel remua, remonta son coude, appuya son front sur son avant-bras, et ramena ses cheveux épars pour se dissimuler dessous.
– Toi qui te montres nue, tu caches ton visage !
Il la retourna doucement. Plaisir de sentir renaître dans ses narines chatouillées de blondeur soyeuse l’odeur de cette aisselle largement offerte, puis de glisser vers un téton que sa dextre saisissait afin qu’il en pût mieux porter le bouton à ses lèvres. Dessous, ur cœur se dégageait des brumes de l’attente, et son tocsin battait à grand émoi.
– Je t’aime… Tristan, je t’aime… Je ne sais rien de ces choses… Apprends-les-moi…
Elle le tutoyait. Leurs liens s’en trouvaient resserrés. Il suça cette bouche avancée vers la sienne, caressa de ses lèvres ces paupières vibrantes qui se fermèrent quand il sinua vers le cou ciselé d’une veine palpitante.
Le val entre les seins où la puce d’un grain de beauté semblait s’être réfugiée… Et puis ce brouillard doré, mousse fendue d’un brun rosé qu’il caressa de ses mains, de sa langue ; tendre animal qu’elle lui offrait cabrée, les yeux clos, jusqu’à ce qu’il en saisît et mordillât le museau.
Elle gémit. « Continue ! » se délectant autant que lui de ces touchers brûlants, des soupirs échangés ; pénétrée de douceurs et d’attentes nerveuses. Il ne voulait parler. Il lui eût dit des mots sans suite, et plus fous que son cœur qui battait violemment : « Tu es succulente… or autant que chair… Admirable à contempler !… Tes poignets sont d’un si pur ivoire qu’un bracelet royal les préjudicierait… Et tes jambes aussi, disjointes, mais à peine… Blason au pal étroit auquel tes doigts déliés ajoutent un lambel que j’ôterai bien vite… Nous irons, ma jolie, aux joutes de Puivert… J’y vaincrai… Tu me donneras un baiser… Je trouve tes baisers innocents délectables. » Il se souvint soudain l’une de ses lectures :
– En Grèce, il y a très longtemps, on faisait à Mégare un concours de baisers…
– Pourquoi me dites-vous cela ?
– Tu remporterais le prix à la seule vue de ta bouche… Et tu n’en donnerais aucun, sauf à moi !… Et sais-tu comment les Grecs appelaient des seins aussi beaux que les tiens ?
– Non… Où avez-vous appris ces choses ?
– Sur le chemin de Poitiers… Le chapelain de Guillonnet de Salbris, qui a dû mourir au tout début de la bataille…
– Mes seins ? Comment ces Grecs les appelleraient ?
– Les oreillers de l’Amour.
– Vous êtes… vous êtes fou !
Eh bien, oui : il était fou d’elle. Il la touchait. Par son amour. Par ses doigts. De plus en plus hardiment… Langue, langues, langueurs… Mouvements aussi veloutés que sa chair de blonde ; sourdes véhémences amoindries d’un baiser, d’un regard, d’un frôlement. Sur les pommettes d’églantine, le rose affluait. Elle murmura : « Tu… » et s’abstint de poursuivre. Etait-ce : « Tu viens ? » Ou : « Tu oses ? » Entre ses cils, ses yeux étaient ceux d’un guetteur.
Elle le reçut avec une plainte qu’elle étouffa en le mordant à l’épaule. Et tout s’ensuivit, souffle à souffle, corps à corps. Leurs joies et leurs ardeurs, leurs frémissements, leurs contours se répondaient à coups de halètements et de reins, et rien ne pouvait plus émousser cette tendresse aiguë, turbulente, entrecoupée d’alentissements enfiévrés. Sur la pauvre pâleur des draps, leur amour menacé déployait ses richesses.
Consumé tout entier à la joie du plaisir, Tristan sentit Oriabel le lier par les jambes, appuyer sur ses fesses comme pour
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