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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’épouser mieux encore. Leurs ventres maintenant s’écrasaient l’un à l’autre, et leur lutte enchantée les roula jusqu’au bord du lit à tel point qu’un pied dans le vide, le garçon éloigna ses lèvres de celles de la jouvencelle :
    – On tombe !
    Oriabel le serra davantage comme si une peur vertigineuse l’empoignait.
    – Non ! refusa-t-elle d’une voix expirante. Non !
    Quelques secousses encore, et vint la pâmoison.
    – Oh ! fit-elle en remuant un peu pour essayer de regagner le milieu de la couche. Il me semble que j’ai crié… Que mon corps a crié… Je ne sais comment te dire… J’étais comme brûlée… Non, non… Je ne sais pas…
    Le visage rougi aux flammes du plaisir, elle cillait, aveuglée par son enchantement tandis qu’en un ultime coup de reins, il se dissolvait en elle avec des gémissements semblables aux siens, le visage enfoncé dans sa coiffure éparse.
    Elle ignorait sa bonne chance. Pour la première fois – car c’était la première, il en était convaincu –, elle avait accédé à la félicité, bien qu’elle se fût donnée avec une avidité robuste et naïve. En sorte, elle avait pris les devants. Il lui enseignerait des lenteurs capiteuses.
    Ils demeurèrent immobiles, conservant de la somptueuse violence de leurs corps unis et affrontés, ce goût de rassasiement et de trop peu qui picotait leur joie d’un aiguillon d’incertitude.
    – Le bonheur… dit-elle avec un petit déglutissement dénonçant, peut-être, une angoisse.
    Le bonheur, à Brignais, c’était cela, en somme : cette plénitude du plaisir partagé, ce scintillement de leurs sens pareil à quelque pierre rare enchatonnée le plomb. Mais qu’importait qu’en ce donjon la sertissure fut immonde : tout était merveilleux dans leur vil univers, jusqu’au ciel exigu, infiniment bleu, au bout de cette archère à l’extrémité de laquelle un pigeon gris et ventru se posait. L’entendant roucouler, ils basculèrent sur le flanc et ainsi se désunirent.
    –  Un coulon !… De ceux qui portent les messages, j’en jurerais !
    – On dirait Angilbert ! pouffa Oriabel.
    L’oiseau reprit son vol. Ils se regardèrent. Leurs lèvres distantes d’un cheveu se retrouvèrent et leurs mains s’égarèrent sur leurs chairs embuées.
    Tristan savourait ce bonheur doucereux sans pouvoir y trouver de rassurants présages.
    – J’ai froid, dit Oriabel.
    Elle tremblait, les bras croisés sur sa poitrine. Il tâtonna, empoigna des deux mains un pan du drap et tira. La jouvencelle roula contre lui tandis qu’il apercevait, dans les entrelacements des froissures, un petit coquelicot dont la découverte le perça d’un émoi violent. Oriabel, dans sa nudité candide, avait pu s’exposer hardiment à sa vue ; elle était bien la vierge qu’il avait pressentie.
    Il remonta le drap au-dessus de leurs têtes, de sorte qu’ils ne se virent plus qu’à peine. Oriabel se blottit contre lui. Sa joue collée sur son épaule, elle rompit le mince bruissement de leurs souffles accordés :
    – Je voudrais dormir ainsi, longtemps, et m’éveiller loin de ce donjon, dans une chambre pleine de lumière et enfleurie comme… un vitrail.
    Il la considéra dans l’ombre blême, les cheveux brouillés, la bouche pâle. Sa main libre coula jusqu’à ses seins, glissa encore.
Reste, dit-elle d’une voix oppressée. Ne t’en vas pas.
    – Veux-tu recommencer ?
    Quand le soir accrocha ses tentures aux archères, ils se revêtirent à regret, et comme la fraîcheur nocturne s’ajoutait à celle des pierres, Oriabel s’enveloppa dans la couverture.
    – Vont-ils nous porter à manger ?… N’as-tu pas faim ?… Tu m’as aimée trois fois… J’ai trois fois plus faim que d’ordinaire… Pas toi ?
    – Trois fois moins… Je n’ai fait que me repaître de toi !
    – Tu es rassasié ?
    Il la prit dans ses bras, la baisa sur le nez :
    – Ma vie et ton amour n’y suffiront jamais… Tu auras un jour de longs cheveux de lin. Je serai le seigneur à la tête chenue, mais j’aurai bonne lance et bon souffle… Et nous nous livrerons à de belles quintaines !
    Ils devaient échanger ces propos enjoués pour dissiper le reste. Or, comment eussent-ils pu l’oublier tout entier ? Des feux piquetaient le Mont-Rond. Des meuglements et bêlements d’agonie se mêlaient aux vociférations des victimaires. Nul cri de femme : la nuit commençait à peine.
    – Sais-tu ce qu’on

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