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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dirait de nous dans mon pays ?
    –  Non, bien sûr.
    –  An vëndimia avant las crîdos  : ils ont vendangé avant les bans.
    On frappa au grand huis. Un poing ferré, hargneux.
    – Est-ce toi, Bagerant ?
    – Héliot !… Je t’amène une torche ainsi que ta pitance. Ouvre-moi.
    Le verrou glissa dans les vertevelles. Héliot voulut franchir le seuil et recula, comme aveuglé par le flambeau dont un courant d’air poussait la flamme vers son visage, mais inquiet, en réalité, de sentir la pointe de la Floberge appuyée sur sa poitrine.
    –  Ne joue pas au forfante avec moi. Tu ne descendrais pas trois marches.
    – Je ne songe aucunement à fuir, compère. Mais cette chambre est notre domaine. Je ne veux pas que tu la souilles avec tes pieds pleins de merde.
    Tristan se doutait que Bagerant avait dû donner des instructions formelles à son affidé. Tant que Tiercelet ne serait pas de retour, rien ne menacerait la vie d’Oriabel et la sienne. Il empoigna la torche toute poisseuse de sève et de sueur.
    – Bon !… Bon ! fit l’écuyer confusément respectueux. Nous excitons pas.
    Il portait un pourpoint de mollequin gris, – d’où sa peur d’être transpercé. La transpiration qui le mouillait par endroits lui donnait l’apparence gluante d’une peau de limace. Il se tourna vers deux hommes dont les mailles des haubergeons scintillaient. Si l’âge les avait déchaumés, décharnés, leur regard conservait une insolence juvénile.
    – Posez les pichets de vin et d’eau devant moi… Donnez cette miche à la donzelle… Tiens, prends ce chaudron et ces cuillers… C’est du mouton aux lentilles. Et voilà deux gobelets l’un dans l’autre, comme vous !
    – Il vous restait des gobelets ? s’étonna Tristan, forçant la dose. Je croyais qu’ils ne servaient qu’à embellir vos prisonnières !… Pose-les là.
    Héliot se recula sans quitter du regard la Floberge.
    – Je hais ta jactance, Castelreng. Tu m’as fait une belle branle 63 en ouvrant cette porte. Ne recommence plus… Ne me titille plus !
    –  J’ai encore une chose à te dire, messire !… Demande instamment à ton maître un manteau, un surcot… Un vêtement chaud pour cette damoiselle.
    – N’est-ce point nue que tu la veux ?
    Il y eut un rire, puis deux autres. Oriabel ramassa les gobelets et les posa sur la table. Tristan poussa la porte et la reverrouilla.
    – Ce malandrin, dit Oriabel, a oublié les écuelles !
    Tristan l’observa tout en introduisant le manche du flambeau dans un des anneaux de la muraille. Aucun doute : il restait ébloui comme le soir de leur rencontre. Ses rondeurs voluptueuses enveloppées d’étoffes rudes aiguisaient, maintenant encore, ses sens pourtant émoussés. Et il pouvait s’émerveiller d’observer combien cette chambre enveloppée de ténèbres, de périls, de rumeurs, traversée de souffles d’air et tout aussi poudreuse qu’un moulin, lui était agréable du seul fait qu’il en par tageait les inconvénients avec Oriabel, et qu’ils les oubliaient dans un lit de pauvre :
    – Où est Tiercelet, désormais ? dit-elle doucement.
    –  Qui peut le savoir, sauf lui.
    – Pense-t-il à nous comme nous pensons à lui ?
    – Je le crois.
    Ils mangèrent presque gaiement, riant même de la dureté du pain dont chaque bouchée, posée dans la poche d’une fronde, eût occis un homme à cinquante pas. Puis ils se couchèrent après une toilette brève, ayant pour mieux dormir, étouffé le flambeau ;
    – J’ai toujours froid, dit Oriabel en frémissant Réchauffe-moi.
    – Comment ? demanda-t-il une main sur son ventre.
    – Tu le sais fort bien, murmura-t-elle en lui mordillant l’épaule.
     
    ***
     
    Il ne s’était jamais nourri d’illusions sur sa valeur au combat. Il savait qu’il existait des centaines de guerriers dont l’habileté, la vigueur, la cruauté même faisaient autorité lors des batailles. Héliot était-il l’un d’eux ? Si redoutable qu’il lui parût, ou voulût le lui faire accroire, il se sentait apte à l’humilier avant que de l’occire. Quelle que fût l’âpreté de cette certitude, il lui était pénible de vouer cet homme à la mort. Une farouche leçon lui paraissait suffisante, d’autant plus qu’il la lui fournirait devant ses compagnons.
    Or, voilà que le malandrin marchait à sa rencontre, l’œil froncé, la bouche arrogante, le sang aux joues. Voilà qu’il l’interpellait d’une voix

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