Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
Héliot. C’est lui qui fornique la malheureuse ! »
    Un Goddon, ce suppôt de Bagerant ? Non, sans doute. Sa vraie famille était celle des tigres. Cheveux noirs. Plus que noirs parce que touffus et sales. Thoumelin de Castelreng, qui avait des opinions très arrêtées sur divers sujets, prétendait que les hommes très bruns aux mains gantées de poils étaient les plus dangereux. Il ajoutait que la race espagnole, aux yeux de jais, devançait en cruauté les Goddons. Qu’eût-il pu dire ou conclure s’il s’était trouvé à Brignais ? Pourrait-il imaginer, si Tiercelet parvenait jusqu’à lui, quels hommes de toute nature et de tout poil avaient établi sur le Mont-Rond, leur tyrannie luxurieuse ? Plus encore que ceux de Bagerant, son idole et son maître, les yeux d’Héliot, en ce moment, devaient étinceler d’une satisfaction diabolique.
    « Il me hait. Il me cherchera. Notre devise est : de tout cœur . Je le serai dans l’abomination ! »
    À Poitiers, il avait regardé la mort en face. Il ne l’avait point redoutée, sauf lorsqu’il s’était affaissé, vaincu par le carreau enfoncé dans sa chair. Il craignait Héliot comme il eût craint une malédiction imméritée. Sans Tiercelet, allait-il avoir à supporter plus que d’ordinaire les provocations de ce drôle ?
    – Tu ne dors pas, dit Oriabel.
    Etait-ce un reproche ? L’expression d’une tentation nouvelle ? Elle se serrait contre lui en soupirant d’aise.
    – J’aime être ainsi, murmura-t-elle. On serait si bien si Dieu le voulait.
    Dieu n’avait que faire de leur malefortune. Après qu’il les eut peut-être appariés, Son intérêt s’était porté sur d’autres.
    – Mieux vaut avoir confiance en nous qu’en Lui.
    – Je suis emmaladie d’espérance… et je n’ose prier : le Seigneur doit me croire en état de péché. Est-ce que je le suis, Tristan ?
    À l’aurore de la jeunesse, cette incertitude hantait et tourmentait la jouvencelle. Dans ces lieux d’esclavage et d’iniquité, sans doute avait-elle peur d’être punie pour avoir si aisément cédé aux désirs d’un chevalier de rencontre.
    – Angilbert nous mariera… Dors… Oublie tout.
    Tristan ferma les veux et rechercha Héliot en se sentant de force à endurer les terribles paroxysmes de leur incomplète bataille. S’il échouait dans cette quête, il se réveillerait le lendemain morose, la gorge amère et le cerveau pesant.
    –  Héliot, dit-il en étouffant un bâillement, c’est… c’est un second Mordred…
    – Dors, chuchota Oriabel. Prends ma main dans la tienne et essaie d’oublier.
    Elle trouva ses lèvres et son baiser fut comme un sceau délicieux sur toutes les pensées qu’il venait de tramer et dont, tout compte fait, elle était l’héroïne.

VII
     
     
     
    Ils vécurent ainsi trois semaines, cessant de compter les jours, l’indifférence au temps qui passe leur ayant paru l’antidote le plus sûr contre la froidure, l’anxiété, la mélancolie, l’impatience de voir revenir Tiercelet. Ils s’évadaient par l’amour, selon le mot d’Oriabel, échouée sur les vaguelettes des draps un jour dont ils n’avaient plus souvenance.
    La nuit, une lune frileuse s’emmitouflait de nuages duveteux comme pour résister au gel persistant qui les atteignait dans le lit. Le jour, un soleil de perle éclairait de ses brillances glacées la chambre-geôle que ne magnifiaient en rien les féeries d’une passion sans rivage. Les nuances du sourire d’Oriabel, le charme de ses œillades, l’indécise douceur de ses désirs, la sincérité de ses abandons, la fraîcheur vive et caressante de sa bouche, soit pour donner un baiser, soit pour en recevoir, maintenaient Tristan dans une félicité d’où son esprit s’exilait à regret lorsque les rumeurs, les galops, les sonnailles le ramenaient aux contingences, aux menaces et, l’instant d’un cri de femme, aux vilenies irréparables. Quand le vent dissipait, à l’extrémité des archères, la taie des brumes nocturnes, il s’ébahissait de découvrir près du sien un visage, un regard d’une telle limpidité que leur contemplation, dans la pénombre blanchissante, revigorait sa constance assou pie. Il s’émouvait de frôler d’une lèvre tendre ce front poli comme un galet de rivière, de sentir la chatouille des cils battants, la ciselure d’une oreille ou le foisonnement des blonds cheveux épars ; et sa main enrobait de pures éminences et

Weitere Kostenlose Bücher