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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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visage qu’elle ne reconnut pas tout d’abord ;
elle entendit des paroles qui la glacèrent d’épouvante et
d’horreur. Et ce visage convulsé par la haine, avec des yeux
flamboyants, des lèvres crispées, c’était celui de sa mère. Et les
paroles d’horreur, c’était Imperia, c’était sa mère qui
murmurait :
    « Oh ! si elle pouvait ne plus se réveiller… être
morte !… »
    Bianca referma les yeux, avec la foudroyante intuition que sa
mère était peut-être sur le point de la tuer.
    « Bianca ! » appela la courtisane.
    La jeune fille attendit quelques instants, puis rouvrit les
yeux.
    « Tu as eu un étourdissement, dit Imperia, mais ce ne sera
rien.
    – Non, rien, j’en suis sûre.
    – Tiens, bois, reprit Imperia en présentant à sa fille un
cordial.
    – Non, non, s’écria Bianca avec une terreur dont le sens
échappa à sa mère.
    – Tu ne veux pas boire ?
    – C’est inutile, je me sens tout à fait remise, je vous le
jure… Mais que disions-nous donc, au moment où cet étourdissement
m’a prise ? Ah oui ! que vous donniez une grande fête,
n’est-ce pas ?
    – En effet, mon enfant ; nous disions aussi autre
chose.
    – Ne parlons de rien, je vous en supplie, de rien que de
cette fête.
    – À laquelle tu refuses d’assister.
    – Ai-je dit cela ?… Eh bien, je me suis trompée… Je
veux y assister, je veux voir…
    – Vraiment ? s’écria Imperia stupéfaite.
    – Oui, oui, vraiment… Allez… laissez-moi m’habiller… je
veux être belle, comme vous disiez. »
    Imperia, étourdie, sortit sans avoir remarqué que Bianca ne
prononçait plus le nom de
mère,
qui d’habitude revenait à
chaque instant sur ses lèvres, sans avoir remarqué non plus la
volubilité fiévreuse des paroles de sa fille. Elle était d’ailleurs
trop préoccupée de ce qui se passait en elle-même. Et ce fut avec
toute la rage des jalousies contradictoires qu’elle
murmura :
    « Pourquoi a-t-elle changé d’avis ?… Pourquoi
maintenant veut-elle se faire belle pour être à cette
fête ?… »
    Bianca demeurée seule commença par s’enfermer dans sa
chambre.
    Et comme ses femmes frappaient à la porte pour venir l’aider à
s’habiller, elle leur signifia qu’elle s’habillerait elle-même, et
qu’on eût à ne pas la déranger sous aucun prétexte.
    Alors elle se mit à rassembler en un petit paquet quelques menus
objets auxquels elle tenait.
    Elle se vêtit chaudement, enveloppa sa tête d’une cape, et
entrouvrit la porte qui donnait sur le couloir où Bembo s’était
montré une fois. Ce couloir séparait l’appartement de Bianca du
reste du palais. À droite, il aboutissait aux offices, cuisines et
divers logements domestiques. À gauche, il arrivait à un étroit
escalier que Bianca connaissait bien ; c’est par là qu’elle
sortait jadis le soir avec sa mère, pour ses promenades solitaires
qui lui plaisaient tant, le long des quais du Lido.
    Le couloir était désert.
    La jeune fille, d’un pas léger et tremblant, s’engagea dans le
couloir, arriva à l’escalier, le descendit et se trouva devant une
porte basse qui était fermée en dedans d’énormes verrous. Bianca
n’eut qu’à pousser ces verrous et la porte s’ouvrit ;
l’instant d’après, elle était dehors. Elle s’éloigna vivement, sans
autre pensée, d’abord, que de mettre le plus de distance possible
entre sa mère et elle.
    Il était à ce moment environ huit heures du soir, c’est-à-dire
qu’il faisait nuit, mais que les quais des canaux et les ruelles
étaient encore inanimés.
    Bianca s’arrêta à cinq cents pas du palais, dans une petite rue
qui débouchait sur un canal qu’elle ne connaissait pas.
    Alors seulement son cœur se mit à battre violemment et elle
connut l’horreur de sa situation.
    Où aller ? Que faire ? Que devenir ?
    Pas d’amis, plus de mère, plus de maison.
    Seule, presque sans ressources, à part un peu d’argent et
quelques bijoux qu’elle avait emportés.
    L’angoisse la prit.
    Un instant, elle fut sur le point de rétrograder, de rentrer
dans le palais, quitte à braver sa mère, à lui tenir tête et à lui
résister violemment. Mais l’affreux souvenir se présenta fortement
à son esprit : le visage convulsé d’Imperia à deux pouces de
son visage, et la terrible parole :
    « Oh ! si elle pouvait être morte ! »
    Alors, ce qui l’avait frappée dans le tourment de l’entretien
acheva de lui apporter le

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