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Les Amants De Venise

Titel: Les Amants De Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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homme.
    – Tu le connais ! C’est celui qui t’a enlevée d’ici,
celui qui s’est présenté d’abord à moi comme médecin, celui qui se
cachait dans la maison de Mestre, celui qui a juré mon malheur et
ma mort ; celui que je hais, moi, tu l’aimes, tu aimes Roland
Candiano. »
    Bianca jeta un cri déchirant. Cette double révélation qui était
faite de son amour et du nom de l’homme qu’elle aimait, éclaira
tout à coup son cœur et son esprit d’une aveuglante lumière.
    Elle se renversa en arrière, évanouie.
    Imperia jeta sur sa fille étendue sans vie un regard où se
levait la flamme de pensées confuses, encore inconnues d’elle-même,
peut-être. Elle s’assit, méditative, le coude sur le genou, et le
menton dans la main. Elle ne songea pas à secourir son enfant.
    Bianca, toute blanche, les paupières fermées comme des voiles
jetés sur des astres de douceur et d’amour, le sein immobile,
paraissait morte aux pieds de sa mère.
    Dans les dix minutes qui s’écoulèrent alors, la pensée de la
courtisane oscilla d’un pôle à l’autre du monde des passions.
    Oui, c’était tout un monde de passions qu’elle roulait parmi les
nuées fuligineuses de ses désirs obscurs.
    L’un de ces pôles s’appelait Sandrigo.
    L’autre, Roland Candiano.
    Et voici ce qui s’établit peu à peu dans son esprit où elle
cherchait à ordonner tant de désordre et à classer tant
d’incohérence :
    Elle avait aimé Roland. Aussi loin qu’elle remontât dans la
succession vertigineuse de ses amours, elle ne retrouvait pas la
même impression. Les princes, les cardinaux, les capitaines, les
patriciens, et, au hasard des caprices, les barcarols, les
chevriers, les bandits, tous ces gens s’étaient succédé dans son
amour d’une année, d’un mois, d’un jour, d’une minute. Tous avaient
emporté d’elle l’inépuisable sensation du désir. Tous, elle les
avait affolés. À tous, son étreinte douce ou rude, emportée ou
languissante, avait laissé ce souvenir que rien ne détruit. Oui,
vraiment, elle les avait aimés tous. Mais aucun ne lui avait
laissé, à elle, une trace dans le cœur ou l’esprit. Elle les avait
pris, puis rejetés, semant les désespoirs, traversant une société
comme un bolide enflammé traverse les airs, admiré, redouté,
magnifique et effroyable.
    Seul, Roland Candiano demeurait debout sur ces ruines.
    Elle l’avait aimé, celui-là !
    Elle l’aimait…
    Or, un soudain caprice des sens l’avait jetée aux bras de
Sandrigo. Qu’était-ce que Sandrigo pour elle ? Une apparence
de force brutale, un être semblable à elle-même pour la
pensée ; beau, sans doute, non sans une sorte d’élégance
physique, sans scrupule, violent, narquois, le rire goguenard, le
regard sauvage, quelque chose comme le mâle d’une Imperia. Elle
avait trouvé là l’homme fait à sa mesure. Et ce caprice nouveau ne
ressemblait pas à ses anciens caprices. Elle frémissait en songeant
à lui… Oui, Sandrigo était plus que les autres ! Oui, sa
passion pour lui était véritable.
    Voilà ce qu’Imperia songea devant sa fille évanouie à ses
pieds.
    Et elle comprit qu’il y avait autre chose encore, qu’il lui
fallait descendre plus profondément dans l’abîme, ou tout au moins
y jeter une torche pour tâcher d’y voir clair.
    Pourquoi, songeant que Sandrigo aimait Bianca, était-elle
furieuse ?
    Et en même temps, pourquoi la certitude que Bianca aimait Roland
Candiano lui causait-elle une douleur inouïe ?
    Tout à coup, la vérité lui apparut aveuglante :
    Elle aimait Sandrigo de toute sa chair, et elle aimait Roland de
tout son cœur.
    Sa passion réelle pour le bandit ne servait qu’à masquer son
amour impérissable pour Roland !
    Elle était à Sandrigo et toutes les fureurs de la volupté
jalouse s’éveillaient en elle à la pensée que Sandrigo aimait
Bianca.
    Mais elle fût morte pour un sourire de Roland.
    Et la pensée qu’une autre femme aimait Roland lui fut
intolérable. Et cette autre femme, c’était sa fille !
    Peu à peu, à mesure qu’elle descendait dans sa pensée et qu’elle
y découvrait sa haine pour cette fille tant adorée jusqu’à ce jour,
elle se penchait lentement vers elle.
    Et elle se trouvait à genoux, son visage près du visage de
Bianca, lorsque d’affreuses conclusions se dressèrent sur sa
rêverie.
    Bianca, à ce moment, revint à elle.
    Ses paupières se soulevèrent. Elle vit. Elle entendit.
    Elle vit un

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