Les Amazones de la République
ils ont aussi butiné, picoré, dévoré, ici et là , au fil de liaisons toutes éphémères. « Marie, si tu as deux minutes, passe me voir à mon bureau », lança-t-il ainsi, une après-midi, à la journaliste, alors quâil se trouvait dans ses bureaux de la place Beauvau, désÅuvré et lââme solitaire. Cette dernière sâexécuta toute séance tenante : elle prit un taxi et gagna le ministère de lâIntérieur, où son locataire â dont Cécilia, son épouse, sâétait alors éloignée, lâayant abandonné sur le bas-côté â, la reçut portes fermées. Lâentrevue ne dépassa pas la demi-heure et Nicolas Sarkozy en fit un savoureux compte rendu à quelques-uns de ses vieux camarades de chambrée, dont Brice Hortefeux : saluant les performances de lâartiste, ces derniers se rengorgeaient en petit comité, et dans les dîners en ville, des cavalcades savoureuses de leur ami.
Nicolas Sarkozy a toujours entretenu de relations passionnelles avec les journalistes, faites de proximité et de rapports de force, de séduction franche et de brutalité sèche, de connivence profonde et de distance glaciale mêlées. Lâauteur, qui ne lâa rencontré quâune seule fois, en tête à tête, alors quâil était ministre du Budget et de la Communication dâÃdouard Balladur, en garde un souvenir précis. Non pas tant par le contenu de cet entretien â il fut technique et roboratif à souhait â, que par la manière dont il se déroula.
Dâemblée, Nicolas Sarkozy fit, en mâaccueillant ce jour-là , le tour de son bureau. Délaissant dâélégants fauteuils Louis XV, il prit une chaise, quâil posa face à la mienne, sa jumelle. Puis, il sâinstalla avec un clin dâÅil complice : assis face à lui, sur le même séant, jâétais son égal. Câest tout du moins ce quâil entendait me faire sentir, en rompant la barrière du mobilier. Une secrétaire pénétra, une note à la main, sur la pointe des escarpins, mais Nicolas Sarkozy la congédia sans la regarder, dâun simple geste de la main. Oubliant cette statue qui venait de hanter notre tête à tête, il reprit le fil de son propos : il était tout à moi. Câest, là encore, ce quâil voulut faire passer comme autre message : vrillant son regard dans le mien, habillant ses idées de grands gestes et rapprochant sa chaise de la mienne, à mesure que la conversation progressait, lâentreprise de séduction était si bien huilée que votre serviteur, en admiration confite, était proche de succomber.
Vint la touche finale : se rapprochant une dernière fois, jusquâà me toucher, Nicolas Sarkozy me donna une claque sur le genou, pour clore notre entrevue, puis une tape virile dans le dos, dans un large sourire. Le tout en me tutoyant : « Tu connais maintenant le chemin, si tu as la moindre questionâ¦Â » La postérité retiendra que, ce jour-là , jâeus le sentiment, lâespace de quelques instants, avant que je ne retrouve la terre ferme et mes esprits, dâêtre bien plus quâun simple visiteur de passage coché dans un agenda encombré, mais le nouveau confident dâun homme qui mâavait chaleureusement raccompagné jusquâau perron de son ministère. Ce jour-là , jâadorais Nicolas Sarkozy.
Ainsi est-il : physique, tactile, enveloppant, chaleureux, côté pile. Cinglant, cassant, humiliant, abrasif et destructeur, côté face. Christophe Barbier en fit un jour la cruelle expérience. Lorsque, en juillet 2009, Nicolas Sarkozy fut pris dâun malaise, le directeur de la rédaction de LâExpress commit dans les colonnes de son journal un édito qui mit le feu aux poudres. Sâinterrogeant sur les raisons de ce pépin de santé, qui nécessita à lâépoque une courte hospitalisation du président de la République au Val-de-Grâce, le patron de lâhebdomadaire pointa du doigt les zones dâombre qui entouraient alors cet épisode. « Malaise cardiaque, malaise vagal ou lipothymique ? » : évoquant cet accident, survenu à Versailles, près de la résidence de la Lanterne, où Nicolas
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