Les Amazones de la République

privée. Mais il est de certaines personnalités politiques comme des beaux musées : plongés dans la pénombre, on ne voit pas les tableaux, mais on sait que là est un Van Gogh, là, un Manet ou un Modigliani. Nul besoin d’interroger l’obscurité, tant on en connaît les couleurs et les contours de ces œuvres, par cœur : une esquisse suffit et tout s’éclaire.
    Idem pour Nicolas Sarkozy : on glisse à tâtons, d’une pièce à l’autre de sa biographie, à l’aveuglette, avec le sentiment, étrange, de tout connaître de lui et de son intimité. Jusque dans le détail de ses moindres déambulations amoureuses, tant sa réputation de séducteur – qui n’est plus à faire – s’est construite au grand jour, au vu et au su de tous. Les Français semblent ainsi tout savoir de ses pérégrinations amoureuses, comme observées derrière une glace sans tain, séquence après séquence, liaison après liaison, depuis ses premiers pas en politique. Marc Lévy revisité par la politique : tome 1, Cécilia, tome 2, Carla. Donnez-nous aujourd’hui notre Sarkozy quotidien ! Depuis 2005, date des premières couvertures consacrées à sa vie privée, la presse magazine à grands tirages a largement contribué à nourrir un feuilleton, en permanence réachalandé, à l’intention d’une opinion tenue en haleine et d’un lectorat brûlant de curiosité, avide de confidences.
    Certaines de ces confessions ont dégouliné de la bouche même de quelques consœurs éconduites par un homme à la réputation de don Juan : des comètes, qui se sont tantôt épanchées, tantôt vantées ou désolées, à mots couverts, et sous le manteau, d’avoir contribué à l’édification de celle-ci. Après être passées furtivement dans la galaxie sentimentale de cet ancien président de la République.
    Or Nicolas Sarkozy a fait bien mieux qu’instrumentaliser sa vie privée à des fins politique, durant un quinquennat et plus : il s’en est servi comme d’un levier puissant. Si bien que les femmes, omniprésentes à ses côtés tout au long de sa conquête du pouvoir, l’auront accompagné dans son ascension, comme dans sa chute. Inconsciemment ou non, Cécilia Attias et Carla Bruni-Sarkozy, auront participé à l’écriture de ce roman, un exercice que les politologues ont baptisé le storytelling  : cette mécanique de communication par laquelle se bâtissent les contes et se fabriquent les histoires à endormir l’opinion.
    C’est ainsi que Nicolas Sarkozy est sans doute le seul dirigeant politique de la V e  République à avoir, dès son plus âge, intégré cet aspect constitutif de son destin. Au risque de voir sa vie privée fouillée dans ses recoins les plus intimes, puis passée à la paille de fer par des médias intrusifs qu’il aura lui-même largement contribué à alimenter. Mais aussi à faire vivre.
    Matos  : le terme crépitait dans la tête de cette toute jeune consœur, en cadence avec le chant d’autres journalistes, à qui il arrive encore aujourd’hui d’utiliser bien d’autres synonymes, tout aussi triviaux, pour évoquer, à leur tour, les empressements de cette arme de séduction massive que serait Nicolas Sarkozy. Ainsi, le nom de cet ancien chef de l’État ne dépare pas dans ce donjuanisme présidentiel longuement évoqué tout au long de ces pages : l’homme a toutes les qualités requises, soyons-en sûrs, pour être frappé de ce même label.
    Toute rengorgée de ses faits d’armes, le jabot gonflé d’assurance, « Marie » parlait ainsi d’expérience. Courtisane, parmi d’autres illustres, n’avait-elle pas reçu tous les hommages ? Évoquant parfois le passé avec quelques-unes de ses consœurs et amies proches, les yeux de cette journaliste politique – de presse écrite –, brillaient alors comme des tisons. Encore une fois, n’avait-elle pas honoré, d’une certaine manière, et mieux que personne, la tradition, en allant planter son drapeau aux quatre coins de l’échiquier politique ? En témoigne son