Les Amazones de la République

d’une journaliste de France 24 qu’il fit chavirer dans ses bras sous son étreinte. « Sarkozy faisait le coq : le petit dragueur qui emballait une journaliste à la desperado… », écrivirent Nicolas Domenach et Maurice Szafran dans leur ouvrage 8 , lesquels furent témoins de la scène : une illustration du climat étrange et transgressif au cœur d’un drôle d’été…
    Dans cette période entre avenir luxuriant et désolation, dans ce mitan instable où tout vacillait, Nicolas Sarkozy perdit tout simplement pied. Au point de se foutre de tout. De l’image qu’il rendait et des échéances qui l’attendaient, aussi. Comme de la multitude qui barbotte à ses pieds, enfin, en quête de maroquins. Nul n’osa, ou ne sut, s’opposer, à cette époque, aux débordements de celui qui se permit parfois tous les gestes : la journaliste politique d’une grande chaîne nationale se souvient encore du passage de Nicolas Sarkozy sur le plateau du journal de 20 heures, à cette période. Cette éminente consœur, dont l’époux connaissait de longue date l’ancien maire de Neuilly, accueillit au bas des marches de l’immeuble de la chaîne celui qui était alors ministre de l’Intérieur. L’accompagnant à la salle de maquillage, elle sentit la main de ce dernier se poser sur ses fesses, alors qu’elle en poussait la porte. On frisa, ce jour-là, l’esclandre. La profession se passa aussitôt le mot : Gare, les filles ! L’une d’entre elles, plus expérimentée et bien plus madrée que ses consœurs, laissa tomber dans un soupir et sur le ton de celle qui en a vu d’autres, sans jamais s’en plaindre : « Oh, vous savez, ça fait des souvenirs… »
    Inquiet et ne sachant que faire, le premier cercle se mit en chasse de quelques jeunes femmes susceptibles de panser ses plaies et de combler ses nuits. Et qui sait, miracle, d’endosser les indispensables atours d’une première dame, sans lesquels l’Élysée ne s’envisage pas. Objectif suprême. On évoque ainsi l’élaboration d’un « casting », qui vit ses principaux affidés dresser la liste d’une brochette de papabile . Une société de conseil réalisa même discrètement, dit-on, à l’initiative de Patrick Buisson, l’une des éminences grises de Nicolas Sarkozy, une étude, avec des « focus groupes », afin de tester des épouses possibles. Tombèrent sous leur plume les noms de quelques amazones, qu’on ne citera pas, par pudeur ou révérence. Cherchez la femme ! Nicolas Sarkozy n’est alors pas encore président. Mais les dés roulent. Et le temps presse.
    8 . Off , Fayard, 2011.

Chapitre 35
La dame du 20 Heures
    Que pensait-elle sur le chemin de l’Élysée, dans la voiture qui filait dans les rues de Paris, en direction des bureaux de son locataire ? Avait-elle conscience que lorsque l’on s’apprête à pénétrer dans cette enceinte, il faut veiller, avant toute chose, à son inconfort ? Ne jamais chausser les patins, ni accepter de rond de serviette ou un cintre dans le dressing du locataire. Rester la tête froide et ne pas s’imaginer qu’on est autre chose qu’un matricule coché sur une liste de « visiteurs ». Conserver donc de la distance et tenir sa place. Celle, en l’occurrence, d’une reine du petit écran, au front serti d’un diadème en toc : une position certes enviée dans le métier qui l’occupe, mais qui ne fait pas d’elle, pour autant, un être à part.
    Il ne lui faudrait pas succomber, non plus, à ce glissement progressif qui vous saisit et vous plonge dans une sorte d’état second, proche de l’ivresse, quand un automate en queue-de-pie, au cou duquel tintinnabule une quincaillerie de pacotille – l’huissier de service –, vous précède dans les longs corridors de cette illustre maison. Et se souvenir, aussi, quand on approche de cet Aventin, de cette phrase de George Orwell sur ces « députés travaillistes, qui sont perdus à tout jamais pour la cause du parti, une fois qu’ils se sont fait taper sur l’épaule par un duc ».
    Savait-elle, enfin, que bien