Les Amazones de la République
présentatrice télé, à lâépoque des postes à galène.
« Jâai été la maîtresse de Mitterrand ! », lança un jour, au milieu des années soixante-dix, lâécrivaine et militante féministe Benoîte Groult à lâune de ses amies, Jacqueline Chabridon, une journaliste de gauche, déjà connue en son temps. « Crois-tu que cela soit très original », sâesclaffa celle qui connaissait très bien lâhomme, pour figurer dans son premier cercle, au point dâavoir balisé bien des sentiers de son intimité.
Ãblouissant, mais tirant ses feux dâartifice pour la première qui passait à sa portée, François Mitterrand préemptait, disposait et délaissait, avec désinvolture et parfois cruauté. Nombre de celles qui tombèrent dans ses filets sâamusèrent à comparer leurs expériences avec celui qui rabota les espoirs de quelques-unes, en les abandonnant sans ménagement, du jour au lendemain. Blessée dans son orgueil, lâune dâentre elles, journaliste à LâExpress sous lâère Giroud, se vengera en cédant aux avances de lâhomme qui deviendra plus tard lâun de ses Premiers ministres. Mais François Mitterrand nâétait pas en reste : lui aussi se gondolait, en échangeant avec Roland Dumas et Charles Hernu, dâhistoires dâalcôve, rassemblées et alignées tels des chapitres couchés dans une collection de livres Arlequin.
Chapeau, lâartiste ! Ses deux complices applaudissaient au spectacle de ces journalistes qui voletaient sous les regards du Guide, avant de sâabandonner sur ses canapés, sans grande résistance. Il est vrai que « François » leur sortait le grand jeu. Câest ainsi quâil emmena sa jeune conquête à Deauville et dans quelques-uns des restaurants les plus recherchés de la capitale. Il accueillit, également, Sylvie Pierre-Brossolette à Latche, où elle déjeuna en compagnie de Danielle Mitterrand.
Mais cette liaison eut également des aspects incongrus et pittoresques : câest ainsi que la jeune journaliste allait notamment chercher François Mitterrand dans ses bureaux de la place du Palais-Bourbon au volant dâune Renault 5 prêtée par Valérie-Anne Giscard dâEstaing, lâune des deux filles du président de la République, dont Sylvie Pierre-Brossolette était alors lâamie ! Une jeune femme dont elle ira même jusquâà dérober la cocarde tricolore, quâelle colla sur le pare-brise de sa voiture, afin de pouvoir circuler plus vite dans Paris. Et pénétrer ainsi dans certaines des enceintes de la République où le futur locataire de lâÃlysée avait déjà ses entrées. Pittoresque encore : François Mitterrand se faisait un malin plaisir à appeler la jeune femme chez ses parents : secrétaire général de lâÃlysée et giscardien historique, Claude Pierre-Brossolette décrochait alors le téléphone, où, au bout du fil, une voix éminemment reconnaissable demandait à parler à sa fille. Sans décliner, pour autant, son identitéâ¦
Mais ce coup de foudre nâaura naturellement quâun temps : sur lâinsistance de son entourage, qui ne prend pas au sérieux cette nouvelle passade amoureuse, mais qui sâen inquiète, perturbé à lâidée de voir François Mitterrand sâégarer à quelques encablures dâun rendez-vous avec lâHistoire, il décida de se séparer de la jeune femme. Aussi rapidement et brutalement quâil sâen était épris : « à compter dâaujourdâhui, vous ne me la passez plus. Câest fini ! », donna-t-il un matin pour consigne à sa secrétaire, Paulette Decraene. Jusquâau jour où, croisant Sylvie Pierre-Brossolette au sortir de son bureau, alors quâil sâapprêtait à franchir son pont dâArcole, en route pour une élection triomphante, il lui lâchera en guise dâadieu : « Mais que faites-vous donc ici ? »
Chaque jour qui passait était jusquâà cet instant un jour de gagné et voilà quâil la répudiait. Ãbranlée par cette rupture, endeuillée, enchâssée dans un chagrin sans fond, la jeune femme
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