Les Amazones de la République
perdit pied un soir. Câest ainsi que des badauds verront, une nuit, une jeune femme hurler sa colère et son désespoir sous les balcons de lâimmeuble du parti socialiste, en direction dâun homme invisible, quâelle invectivait : « Tu nâes quâun monstre ! »
Comme la mer qui se retire avec la marée sur la pointe des vagues, quelques femmes en noir sâéloigneront discrètement, plus de vingt ans plus tard, dans les allées du cimetière de Jarnac, le jour de lâinhumation de François Mitterrand. Accrochées, pour certaines, au bras dâun conjoint compatissant, ces anonymes dissimulaient de loin des larmes clandestines, en souvenir de celui qui les avait un jour étreintes sur les quais de lââge à peine adulte. Avant de les entraîner dans une passion mystique.
Sylvie Pierre-Brossolette nâen fut pas, mais dâautres allèrent se signer, ce jour-là , sur la tombe de lâhomme qui les avait embarquées, il y a bien longtemps de cela, dans ses tourbillons : un cortège de veuves éplorées à la recherche du temps perduâ¦
Chapitre 6
Les « chauffeuses » de Mitterrand
Un mètre quatre-vingt-douze au garrot, des mains de bûcheron, une voix de stentor et un style caporaliste, Max Gallo convoqua un jour de 1987 Florence Muracciole dans le bureau quâil occupait au Matin de Paris â un quotidien de gauche, fondé par le propriétaire du Nouvel Observateur , Claude Perdriel, à la tête duquel il avait été parachuté. « Puis-je vous demander, Florence, si vous avez été la chauffeuse de François Mitterrand ?, lance-t-il à celle qui suivait pour ce journal le locataire de lâÃlysée. Vous voyez ce que je veux dire », ajouta lâhistorien, sans quâil ait à préciser sa pensée.
« Non, monsieur, je ne lâai pas été », répondit en riant la journaliste, qui connaissait ce rituel mitterrandien : lâancien premier secrétaire du PS avait en effet pour habitude de demander, au terme de ses meetings, si la jeune femme quâil avait repérée dans la salle et quâil trouvait à son goût avait une voiture. Et si elle savait conduire.
Dès lors que celles-ci, qui étaient surtout des militantes du parti socialiste ou des journalistes de passage, acceptaient de le ramener à son hôtel ou à lâaéroport, il y avait de fortes probabilités pour que le véhicule emprunte des chemins de traverse et aille se perdre dans des sous-bois ou des contre-allées discrètesâ¦
Si François Mitterrand adorait fréquenter les plus jolies représentantes de la profession, il détestait en revanche la caste. Il fulminait contre la presse en général, et se mettait dans des colères blanches, les yeux en querelle, à la lecture de « journaux amis », comme Le Nouvel Observateur , quâil accusait de « rouler » pour Michel Rocard. Aussi aimait-il sâentourer dâun petit groupe de journalistes, auprès desquels il se sentait en symbiose. Parmi eux, Florence Muracciole, Pierre Favier, journaliste à lâAFP et confident à ses heures, Christine Fauvet-Mycia, le couple Ivan Levaï-Anne Sinclair. Ou encore des figures du petit écran, comme Bruno Cortes, Claude Sérillon et Bruno Masure.
« Ãa, ce sont les miens », clamait-il en les apercevant lors de ses meetings ou dans ses voyages officiels : ces derniers composaient alors un petit cercle de fidèles, quâil emmenait parfois dans les lieux quâil affectionnait. Notamment dans ces quelques recoins reculés du Morvan qui lui étaient chers.
Câest ainsi que, lors du deuxième tour de lâélection présidentielle de 1988, il avait retrouvé une partie de ce petit monde au Vieux Morvan, ce célèbre établissement, où François Mitterrand avait déjà installé ses quartiers sept ans plus tôt : le couple de bistrotiers qui tenait cet hôtel, les Chevrier, a vu ainsi défiler nombre de jeunes femmes qui sâinsinuaient dans son sillage. Câest là que, regardant un soir le « Bébête show », sur TF1, dans la salle du restaurant, il se tourna vers la jeune journaliste qui lâaccompagnait pour lui dire, posant la main sur sa cuisse avec la
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