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Les Amazones de la République

Les Amazones de la République

Titel: Les Amazones de la République Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Renaud REVEL
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« Je ne comprends pas pourquoi vous divorcez, car on peut toujours s’arranger. » « Avec un tel homme, comment voulez-vous que de jeunes journalistes, attirées comme l’abeille par le miel, ne constituent pas des proies faciles ? », explique encore aujourd’hui l’une d’entre elles, Luce Perrot, ancienne reporter politique à TF1.
    Bourgeonnaient ainsi dans cet escalier menant à la nef d’un lieu saint imaginaire de jeunes soupirantes transformées en silencieuses pythies. Si elles ne s’agitaient pas d’impatience de temps à autre, on eût dit qu’elles étaient toutes de bois vêtues. La plupart d’entre elles étaient journalistes, et donc munies d’une carte de presse : un document qu’elles brandissaient tel un talisman aux cerbères en faction. Mais ce sésame n’avait pas le moindre effet sur celui qui, claquemuré dans son bureau, les faisait poireauter avec délice… À deviner leur impatience, il jubilait à l’idée des noces qui suivraient.
    La prochaine sera-t-elle sa bonne fée ou un pis-aller ? Quel statut mitonnera-t-il à celle qui gémissait intérieurement de l’autre côté de la cloison ? Celui d’une simple comète qu’il balaierait une fois éteinte, ou d’une étoile plus rayonnante qu’il amarrerait à l’esquif de ses nuits ? « Le meilleur moment, c’est quand on monte l’escalier », confessa un jour François Mitterrand, à l’un de ses confidents, à propos de l’acte sexuel. Pour celles qui gravissaient les marches du sien, ces préliminaires tenaient plutôt de l’ascension du Golgotha : une salle d’attente dont François Mitterrand dressait la liste des occupantes. Laquelle se réduisait, pour ses secrétaires, à une simple suite de numéros de téléphone : les matricules de jeunes femmes, dont les identités devaient demeurer secrètes.
    Une fois qu’elles avaient franchi la porte de son antre, elles tombaient en général comme des fruits mûrs. Et en grappes. Rares sont celles qui lui ont résisté. Et quand l’une d’entre elles sortait de sa nasse, sans qu’il ait pu poser la main sur ses nageoires, elle en tirait gloriole. Ce fut le cas notamment d’une jeune journaliste du Monde , Christine Fauvet-Mycia, que François Mitterrand poursuivit de ses assiduités, jusqu’à l’épuisement. Déconfit, il demandera un jour, en désespoir de cause, à son ami François de Grossouvre – ce fidèle qu’il jettera, des années plus tard, répudié, dans les oubliettes de l’Élysée, provoquant son suicide –, d’aller trouver l’intéressée : « Tu sais, François est très triste, lui glissa d’une voix de chanoine un de ses missi dominici , il ne comprend vraiment pas ton attitude à son égard. » La tentative de médiation fut vaine et de Grossouvre, ce jour-là, revint vers son maître la mine piteuse…
    Christine Fauvet-Mycia fut l’une des rares exceptions à la règle. Car une fois assises face à lui dans son bureau, le charme opérait et François Mitterrand, d’un discours propre, tiré à quatre épingles, ajoutait une croix à son palmarès, se retenant d’aller faire le « V » churchillien devant son copain de chambrée, Charasse.
    Comme il jubilait ! En pâmoison, toutes s’efforçaient d’exister face à celui dont l’entourage s’aplatissait contre les cloisons à chacune de ses apparitions. Tout ouïe, elles s’attachaient à ne rien perdre de ses prophéties : qu’elles soient de jolies bécasses caquetantes, des gamines bardées de diplômes ou des figures en herbe de la profession, François Mitterrand les écoutait indifféremment, l’œil philosophe. Avant de leur broder quelques réflexions, qu’elles retranscrivaient fébrilement, ensuite, dans des petits calepins devenus bibles. Gestes économes, timbre hypnotique et propos enveloppant, tel un châle, Mitterrand, dont les yeux se plissaient pour mieux dessiner celle dont il s’apprêtait à clouer les ailes, comme un papillon fiché dans une collection, eût été capable de séduire la sœur

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