Les Amazones de la République
là , sous mes yeux, le François Mitterrand séducteur, avec sa voix chantonnant qui se découvrait⦠Et jâen étais baba ! »
Avant dâen terminer avec ses relations avec la profession et de se plonger plus longuement dans les rapports, bien plus intimes et parfois profondément romanesques, quâil entretint avec un petit nombre de jeunes consÅurs, arrêtons-nous un instant sur Pierre Favier, tant la relation quâentretint ce journaliste de lâAgence France Presse avec François Mitterrand fut atypique. Du même ordre que celle quâil nouera, plusieurs années durant, avec une journaliste de TF1 sans que rien ne se sache, et qui sâen est ouvert, pour la toute première fois de sa vie, à lâauteur de ces lignes, comme nous le verrons un peu plus loinâ¦
Quatorze années durant, de 1978 à  1995, Pierre Favier aura mis ses pas dans ceux de François Mitterrand, nouant avec celui-ci un lien peu commun. Là où ses confrères durent abattre des digues pour que perlent des confidences, distillées au compte-gouttes, cet agencier fut le récipiendaire privilégié des confessions dâun homme qui le fit pénétrer dans ses labyrinthes. Tandis que la meute des journalistes politiques piétinait sur les gradins, lui fréquentait lâarène, au plus près des mystères dâun Mitterrand particulièrement disert, qui lui livrait des confidences nichées entre les sillons de ses mots.
Câest ainsi que, lorsque ce dernier quitte lâÃlysée, au lendemain de la victoire de Jacques Chirac à lâélection présidentielle de 1995, il téléphone à Pierre Favier pour lui signifier quâil souhaite continuer à le voir et si possible à lâoccasion dâun déjeuner, une fois par mois. Celui qui est désormais, depuis à peine quelques heures, un ancien président de la République, lui fait ainsi savoir quâil tient à conserver avec lui une relation ténue : au nom du chemin parcouru côte à côte durant plus de vingt ans.
Or Pierre Favier prit cette proposition pour une simple formule de politesse : jamais il nâaurait imaginé que cet homme, qui refermait le livre de son histoire, ressentirait le besoin de perpétuer un lien inscrit dans un cadre strictement professionnel.
Mais François Mitterrand sâattachait aux choses comme aux hommes. Et ce journaliste atypique, attentif comme peu à son sujet, était rentré, presque sans le deviner, dans lâintimité dâun homme politique peu commun, qui faisait dériver de temps à autre vers lui lâesquif de ses confidences. Câest ainsi que le mardi qui suivit le départ de François Mitterrand de lâÃlysée, sa secrétaire appela Pierre Favier à son domicile. « Seriez-vous libre à déjeuner, le président souhaiterait vous revoir le plus tôt possible. » Moins dâune semaine après la prise de fonctions de Jacques Chirac, François Mitterrand voulait revoir celui qui avait tenu la chronique de pans entiers de sa longue carrière politique. Rendez-vous fut pris à la brasserie Lipp, au cÅur de Saint-Germain-des-Prés, où François Mitterrand avait ses habitudes. Les deux hommes déjeunèrent un long moment en tête-à -tête. François Mitterrand évoqua la politique par le menu, trop heureux dâavoir pris de la distance et dans le même temps préoccupé par son état de santé et la fatigue qui le terrassait. Le visitant un jour, Jean-Pierre Elkabbach, qui recueillait alors ses confessions télévisées, le regardait caresser longuement le poil noir de son labrador, couché à ses pieds, tout en déroulant des propos matelassés. Câest à ce moment-là que le journaliste dâEurope 1 aperçut les poignets de François Mitterrand, tous deux constellés de piqûres : le passage des médecins, les traces des seringues⦠Interceptant son regard, François Mitterrand sâarrêta et lança à son interlocuteur dâun ton badin : « Il nâarrête pas de me mordre, cet animal ! »
La maladie ? Le premier de ses soucis. La mort ? Un spectre qui courait à sa rencontre, cape et faucille déployées. Pierre Favier lâécoutait pieusement. Même « en
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