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Les Amazones de la République

Les Amazones de la République

Titel: Les Amazones de la République Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Renaud REVEL
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quasi sans partage, sur ce métier. Outre Françoise Giroud, grande prêtresse de L’Express , qu’il côtoyait et soignait tout particulièrement, il entretenait des relations suivies avec trois autres potentats de la presse, à la tête d’entreprises puissantes. Il y avait là Line Reix-Richerot, reine du Dauphiné libéré, l’un des organes les plus influents de la presse quotidienne régionale de l’époque ; Jacqueline Beytout, patronne sans partage du quotidien Les Échos durant un quart de siècle, jusqu’en 1989 et que seule la mort, qui la visita un jour d’août 2006, dans sa quatre-vingt-neuvième année, enleva de son fauteuil ; et, enfin, Évelyne Baylet, la dame de fer des « rad-soc » et la propriétaire de La Dépêche du Midi . Cette brochette formait alors un carré de dames qui régna un demi-siècle durant sur des pans entiers de la presse hexagonale.

Chapitre 5
« François » à l’œuvre
    Assise sur le palier, en haut de cet escalier en forme de jeu de l’oie, où chaque marche semblait une case menant au paradis, Sylvie Pierre-Brossolette se morfondait. La vingtaine éclose depuis une paire d’années, cette petite fille d’un héros de la Résistance était également la fille d’un inspecteur des Finances devenu l’un des principaux collaborateurs de Valéry Giscard d’Estaing, à l’Élysée, Claude Pierre-Brossolette. Ravissante journaliste passée par L’Express , elle était tombée, comme beaucoup d’autres, folle amoureuse de son sujet. Et François Mitterrand, qui avait agrafé un jour du regard sa jolie silhouette, n’y était pas insensible : comblé de la voir arrondir ses prunelles à chacune de ses visites, il l’avait donc entreprise. Et l’onde de sa voix, qui charriait livres, souvenirs et aventures, avait fait, comme de coutume, le reste…
    C’est à la brasserie Lipp, à Paris, où il déjeunait un jour de 1978 en compagnie de Georges Dayan, que François Mitterrand repéra pour la première fois celle qui, alors âgée de 24 ans, deviendra une journaliste politique émérite, que le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, a nommée au CSA en janvier 2012. Or, François Mitterrand, qui la dévisageait, demanda à son ami et compagnon de route le plus ancien et le plus fidèle de lui faire passer le message : « Qu’elle m’appelle et nous déjeunerons ensemble. »
    Ce qu’elle fit. Lors de ce premier tête-à-tête, dans un restaurant situé non loin de ses bureaux de la rue de Solferino, François Mitterrand l’enivra de politique : un monologue interminable qui vit celui qui se préparait alors à se lancer à l’assaut de l’Élysée lui détailler, par le menu, son plan de bataille. Dans l’ordre : occire Rocard, mater le parti socialiste, dont il brûlera, une à une, les chapelles, et castrera les coqs. Avant d’aller tuer Giscard, pour finir ! Aux premières loges du combat qui s’annonçait, la jeune femme, qui buvait du petit-lait, tomba comme une fleur : prête pour le moulage.
    Mais François Mitterrand était sous le charme. Cette journaliste, dont il se disait qu’elle pouvait devenir sa « Jackie » Kennedy, était tout ce qu’il aimait : intelligente, vive et pétillante, elle l’émouvait. Quant à cette dernière, aveuglée par cette passion naissante, elle croyait à l’informulable : l’accompagner jusqu’au bout dans sa conquête du pouvoir et au-delà, si possible… Dans la pièce contiguë, Charasse s’en amusait. Car il le savait : la vie n’était qu’un champ de regards, un terrain de jeux amoureux pour son voisin de bureau, dont il connaissait les emballements successifs. « La pauvrette », soupirait-il : ne voyait-elle pas qu’elle n’était que le chandelier de ses autres conquêtes ? Car il suffisait de posséder une parcelle de beauté pour qu’aussitôt tout s’emballe et s’illumine chez ce « François » qui avait eu très tôt de l’adultère une version en noir et blanc avec Catherine Langeais, une célèbre

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