Les Amazones de la République
surprenante grâce dâun camionneur entreprenant une soubrette : « Vous trouvez vraiment que je ressemble à une grenouille ? »
La complicité était telle avec certaines de ces journalistes quâun jour, lors dâune visite officielle à Ãdimbourg, François Mitterrand emmena lâune dâentre elles, Florence Muracciole, toujours, dans les rues de la ville afin dây faire, ensemble, quelques courses. Pénétrant dans un magasin de vêtements, il demanda à la jeune femme dâessayer un pull-over. « Vous devez avoir sa tailleâ¦Â », lui dit-il en la détaillant sous toutes ses coutures. Et la journaliste de comprendre que ce pull était destiné à sa compagne. En lâoccurrence, Anne Pingeot, la mère de Mazarine.
Complicité encore : au lendemain de lâélection de 1981, François Mitterrand convia à un petit déjeuner certains des journalistes qui lâavaient suivi durant toutes ses dernières années de campagne, des premières sacristies du PS au pinacle élyséen : des hommes et des femmes qui avaient désormais leurs ronds de serviette à sa table, en attendant la rosette⦠Parmi eux, Bruno Masure, Pierre Joly, Pierre Favier, Claude Sérillon, Jean-Marie Colombani et quelques autres figures de la profession.
Et câest Claude Sérillon qui osa « la » question : « Il traîne une rumeur dans un très grand nombre de rédactions à Paris, selon laquelle vous auriez un enfant naturelâ¦Â », lança le journaliste qui était alors à Antenne 2. François Mitterrand fixa lâintéressé dâun regard vrillant, mais qui nâavait rien dâhostile, le tout au milieu dâun silence de plomb. Question à laquelle Mitterrand répondit avec une bienveillance pensive : « Oui, et alorsâ¦Â ? » Chacun des convives quitta lâÃlysée avec ce lourd secret, devenu de Polichinelle, quâils conservèrent des années durant dans les ourlets de leur mémoire, sans jamais lâévoquerâ¦
Complicité, enfin⦠Jacques Séguéla fut également de ceux avec lesquels François Mitterrand se sentait en totale et pleine confiance. Au point dâen oublier sa présence, quand il lâinvitait à passer le voir dans son bureau, à lâÃlysée, à lâangélus du soir. à lâheure où lâagenda sâallège et que les pensées du président se dégraissent des questions encombrantes liées à sa fonction, « François » téléphonait à Danielle, son épouse, afin de faire un point sur la journée écoulée.
Ce avant dâaller retrouver la mère de Mazarine. « Câest pour elle que je veux bâtir la Pyramide du Louvre », confessa-t-il ainsi à Jacques Séguéla lâun de ces soirs. Spécialiste des arts du xix e  siècle, Anne Pingeot, qui avait contribué à sauver quelques mois plus tôt, dâune décharge nantaise, les sculptures des Six Continents qui bordent aujourdâhui le parvis du musée dâOrsay, se rendra des mois durant sur le chantier où lâarchitecte Pei lui faisait, chaque jour, un point précis sur lâavancée des travauxâ¦
Mais câétait aussi le moment choisi par François Mitterrand pour passer une brassée de coups de fil à ses différentes maîtresses⦠Pour cela, le chef de lâÃtat disposait, dans lâun des recoins de son bureau, dâune ligne particulière, dont il nâusait que pour ses appels les plus privés. Jacques Séguéla, qui assistait le plus souvent à ces conversations, avait pour habitude â discrétion oblige â de se lever de son fauteuil, afin de sâéloigner du locataire des lieux. Lequel lui faisait signe instamment, de la main, de rester assis, pas le moins du monde embarrassé par sa présence. « Sa voix changeait soudainement de tessiture et son vocabulaire avec, se souvient le publicitaire. Si la langue était toujours aussi châtiée, la musique se faisait plus mielleuse. Et les mots, comme écrits, dégoulinaient avec saveur comme dâune fiole. Passant dâun registre à un autre, avec le plus souvent au bout du fil, une journaliste quâil câlinait, jâavais
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