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Les Amazones de la République

Les Amazones de la République

Titel: Les Amazones de la République Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Renaud REVEL
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principale de l’ordre, très intégriste, des Vierges consacrées. Oui, nous avions affaire, là, à un orfèvre.
    Ainsi soit-il. Dans un grand désordre d’idées et de compliments mêlés, ils les ensorcelaient d’une pirouette. Revenant tout droit et éternellement de Cuba, de Chine, d’une révolution ou de quelque maquis de la politique, dont il entrebâillait alors une porte, « Tonton » ramenait lentement ses proies vers la rive d’un coup de moulinet oratoire, une fois « travaillées ». Dans la besace ! Avant qu’il ne rassemble ses doigts en bouquet et ne porte l’estocade, d’un mot : « Comment se fait-il que nous ne nous soyons pas rencontrés plus tôt ? » Un sujet, un verbe, un compliment , songeait-il, paraphrasant Pierre Dac…
    Quel âge avaient-elles ? L’âge où tout fascine, jusqu’à l’engourdissement, quand celui qui minaude, l’œil voilé, et fait se pâmer l’innocence, est peut-être appelé à rentrer un jour dans l’histoire, par la grande porte : 22, 23, 25 ans… Anne Pingeot – la mère de Mazarine –, avait 18 ans, quand il l’avait rencontrée en 1961, alors qu’il en avait déjà 45. « Méfie-toi des femmes qu’on épouse très jeunes, car personne ne peut savoir ce qu’elles deviendront à 35 ans », dit-il ainsi un jour à son ami Roland Dumas, un autre fusil du parti socialiste, avec lequel il évoquait son tableau de chasse.
    Dissertant un autre jour sur ce même thème, à l’Élysée, en présence d’un petit cercle de fidèles, dont Georges-Marc Benamou – qui couchera la scène dans l’un de ses ouvrages –, François Mitterrand s’amusa à dresser le portrait-robot de la femme idéale. Tout était parti d’une longue digression sur la comédienne Juliette Binoche, qui le vit s’évader un instant dans ses pensées. Pris au piège de ce qui était devenu chez lui un fantasme obsédant, il avait murmuré dans un larmoiement amoureux, dialoguant avec lui-même, en altitude : « Elle dépasse toutes les autres… »
    Il s’ensuivit un long monologue, où Mitterrand, revenu parmi les hommes, classifia les femmes, selon des critères qui lui étaient propres et où Juliette Binoche faisait figure de mètre-étalon : « J’aime cette trentenaire. Avant trente ans, c’est trop jeune, ça joue… Et il faut préférer les femmes du Nord, avait-il ajouté, les Latines, les Méditerranéennes font du cinéma, elles ne sont pas fiables ! Et ne pas s’amuser avec des mannequins ! » Pointant un index paratonnerre, il ajouta : « Ce sont des casse-pieds qu’on admire et que l’on ne touche pas ! Mieux vaut des anonymes ou des actrices. » Quand il était lancé, on ne l’arrêtait plus. Viennent les visages aux yeux maquillés et aux pommettes poudrées : « On ne peut pas aimer les femmes qui se fardent ou les femmes à bijoux. Et il faut préférer les brunes. Les blondes, ça n’existe pas : c’est pour les musées et les magazines. » Se promenant ainsi dans les jardins d’un harem, dont il aurait été le guide, Mitterrand l’enchanteur captait l’attention de son auditoire.
    Et chacun, en son for intérieur, tentait, à travers ces quelques indices, de déceler celles qui avaient ses faveurs du moment : brune, blonde, petite, élancée, célèbre ou inconnue ? Laquelle d’entre elles, entraperçue à son côté, était une maîtresse ou une simple courtisane d’occasion ?
    Parmi elles figurait en tout cas un contingent non négligeable de journalistes… Il avait su tisser au fil des années des relations ténues avec un très grand nombre d’entre elles, qu’elles soient de droite ou de gauche. Sous couvert de proximité intellectuelle ou de goûts littéraires, il traitait les unes et les autres avec attention et obstination : un maillage où se mêlaient complicité, séduction et intérêt. Se trouvaient ainsi de longue date dans son périmètre un petit nombre de figures de la presse française qui régnaient,

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