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Les Amazones de la République

Les Amazones de la République

Titel: Les Amazones de la République Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Renaud REVEL
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civil », François Mitterrand continuait de le fasciner. Comme il fascinait les femmes, en faisant jaillir des étincelles par frottements de mots et d’idées. Et c’est dans le cadre de cette relation toute particulière que François Mitterrand évoquait interminablement, non seulement l’existence de Mazarine, mais sa passion pour cette jeune fille. Celui qui garda secret des pans entiers de sa vie privée et qui n’a jamais éventé le sujet devant quiconque en public – exception faite de quelques rares intimes –, pouvait lui parler d’elle des heures entières. Littéralement aspiré durant ce repas dans une gigantesque parenthèse, il confessait manifester pour Mazarine « un amour incommensurable ».
    Pierre Favier sera ainsi le seul journaliste à accompagner François Mitterrand jusqu’à son dernier souffle. Les deux hommes déjeuneront une dernière fois ensemble le 10 novembre 1995, après que le secrétariat de l’ancien président eut insisté pour que Pierre Favier vienne à son domicile, rue Frédéric-Le-Play : l’homme, qui n’était plus qu’un paquet d’os et de peau perdu dans des costumes devenus trop grands, était épuisé par la maladie. Quelques années plus tôt, lui aussi, comme d’autres de ses intimes, l’avait entendu pester contre ses ministres, qu’il ne supportait plus : « À chaque Conseil, à l’Élysée, ils défilent en rangs d’oignon pour me serrer la main. J’ai toujours l’impression qu’ils prennent mon pouls, avec dans le regard, cette question : Quand ? »
    Lors de ce dernier déjeuner, François Mitterrand apparut pourtant élégant, impeccablement rasé, portant chemise et cravate. Fatigué et se déplaçant lentement, l’ancien président de la République s’était mis sur son trente et un pour cet ultime face-à-face. « Vous vous êtes fait beau pour recevoir Pierre », s’amusa Danielle Mitterrand, avant de laisser les deux hommes en tête-à-tête. Dans la pièce, une odeur de veille et de tristesse. Et lui, pâle, très pâle, tantôt appuyé au rayonnage d’une bibliothèque dégueulant d’ouvrages. Tantôt assis face à lui, à table, le visage couleur craie, comme prêt pour un moulage posthume. Durant cette ultime conversation, François Mitterrand s’appesantit sur son état de santé : « Regardez dans quel état je suis, Pierre, dans quel état de fatigue je me trouve et quelle tête j’ai… »
    Â«Â Oui, mais c’est la fin, mais quel destin ! Quel parcours, quelle histoire, quelle trajectoire ! », lança le journaliste qui osa cette remarque en forme d’épitaphe, témoignage d’une très forte et longue complicité, forgée avec le temps.
    Et Mitterrand lui parla. Toujours et encore, de Mazarine. Comme un condamné qui se morfond dans sa cellule et qui sculpte sur un morceau de savon le visage d’un être cher. Mille et un souvenirs remontaient de sa mémoire, tel un ressac d’anecdotes qu’il charriait en vrac, comme si le temps pressait. Le vieil homme au visage raviné et à la voix sourde retrouvait soudainement fraîcheur et couleurs : « Quand elle est là, à mes côtés, confessait-il, le mal s’estompe, la souffrance disparaît. » Et l’air, jusqu’ici saturé, redevient plus léger…
    L’entourage de François Mitterrand, son épouse Danielle et ses secrétaires avaient demandé à Pierre Favier, peu avant cette entrevue, de tenter de le convaincre de ne pas entreprendre ce voyage en Égypte, qu’il avait programmé de longue date, comme chaque année. Abordant la question, le journaliste se vit remettre sèchement à sa place par un homme piqué au vif : « Qu’est-ce que vous me dites là ! Vous savez mieux que quiconque que j’ai envie de passer Noël avec Mazarine et sa mère ! Et j’irai là-bas ! » François Mitterrand partit en Égypte et, de retour en France, se rendit à Latche, où il passa le réveillon du jour de l’an, avec Danielle. Le 3 janvier, il rentrait à Paris, et le 8 janvier, les médias

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