Les Amazones de la République
annonçaient sa mort.
Pour Pierre Favier les derniers jours de François Mitterrand furent les plus cruels de sa longue carrière et « sans doute de ma vie », dira-t-il. Non seulement en raison des liens qui lâunissaient à lâancien président de la République, mais également au regard des pressions quâil subissait au sein de lâAFP, où ce funèbre compte à rebours agitait lâétat-major de lâagence. Car câétait à Pierre Favier, témoin privilégié et familier de François Mitterrand, quâincombait la responsabilité de donner, le premier, lâinformation, quand celle-ci tomberait⦠Câest ainsi que le dimanche 7 janvier, il téléphone au secrétariat de François Mitterrand, afin de prendre de ses nouvelles. Et quâil apprend de la bouche de lâune de ses vestales que ce dernier a donné des consignes très précises, quant à lâannonce de sa disparition. Mitterrand, qui avait tout organisé de manière millimétrée, avait rédigé une note manuscrite détaillée, conservée au secret. Et avait notamment dressé la liste de celles et ceux qui devaient être les premiers informés de sa mort. Venaient, dans lâordre, Danielle Mitterrand et Anne Pingeot, naturellement. Ensuite, le président de la République en exercice, Jacques Chirac. Et, enfin, Pierre Favier, la quatrième personne sur cette liste, et la seule habilitée à rendre public la nouvelle de son décès.
Ce 7 janvier, Pierre Favier téléphone donc au domicile de François Mitterrand, dont il sâenquiert à nouveau de lâétat de santé : « Comment va-t-il ? » Câest lâun de ses gardes du corps, attaché de longue date à sa personne, qui répond au journaliste : « Il est très fatigué et vous ne pourrez pas lui parler. » « Soyez aimable, demandez-lui si je peux lui dire juste un mot », tente le journaliste, qui sait que François Mitterrand se déporte lentement vers des rivages lointains et que tout nâest plus quâune question dâheures, maintenant. Le policier sâabsente quelques instants, puis reprend le combiné : « Non, monsieur, il est réellement très fatigué et ne peut vous parler. »
Dès le lendemain matin, 8 janvier, Pierre Favier se rend au bureau du secrétaire général de lâÃlysée, Jean-Louis Bianco, alors que sur certaines radios rôde déjà la rumeur de la mort de lâex-chef de lâÃtat. Sâil nây a rien encore dâofficiellement annoncé, tout semble se précipiter, alors que personne, à cet instant, nâest pourtant encore en mesure de confirmer la disparition de « lâhomme à la rose ». Pierre Favier, conformément aux directives de François Mitterrand, attend, figé devant le combiné de son téléphone, que sonne le grelot. Il est 9 h 30 quand il reçoit lâappel funeste du secrétariat de François Mitterrand, qui résonne comme le glas : câest dâun ton dâoutre-tombe quâune secrétaire lui signifie la mort de lâancien locataire de lâÃlysée. La dépêche de lâAFP tombera sur les téléscripteurs en milieu de matinée : deux lignes sobres, épurées, cliniques, que le journaliste avait griffonnées sur un bout de papier incandescent qui dormait, depuis plusieurs jours, tel un linceul, au fond dâune poche devenue catafalqueâ¦
De la même manière, François Mitterrand avait dressé la liste de ceux qui seraient autorisés à venir se recueillir sur sa dépouille. Rédigée de sa main et conservée pieusement par son secrétariat, cette note, méticuleusement élaborée, listait, pêle-mêle, les noms de proches, dâun certain nombre de personnalités politiques, des représentants des corps constitués, ainsi que dâun aréopage de personnalités dâhorizons divers, dont deux journalistes. Pierre Favier, qui figurait naturellement sur cette liste â avec son confrère dâEurope 1, Jean-Pierre Elkabbach, le récipiendaire de ses dernières confessions filmées â, hésita longuement avant de se rendre au domicile de François Mitterrand et de franchir, en
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