Les Amazones de la République
compte quâelle avait tout bonnement oublié lâinvitation en question. Se précipitant dans le bureau des responsables de lâinformation de la chaîne, à lâépoque, Gérard Carreyrou et Charles Villeneuve, elle fut accueillie par une volée de bois de vert : « Mais tu déconnes ! Tu prends tout de suite trois billets sur le même Concorde que Mitterrand et tu files là -bas ! »
Dans lâavion qui lâemmena aux Ãtats-Unis, le même rituel se répéta : le rideau séparant la carlingue du sanctuaire présidentiel sâeffaça, une fourmi obséquieuse en sortit : jetée tête baissée dans la bétaillère, elle se précipita jusquâau fauteuil de Marine, à lâoreille de laquelle elle chuchota, avec componction : « Madame Jacquemin, le président vous attend. » Et câest avec des semelles de plomb et un regard noir quâAnne Lauvergeon â courtisane, dévote, de François Mitterrand et future dirigeante dâAreva â, dû céder son siège à la journaliste. Après quâelle se fut presque immolée au départ, afin dâeffectuer le voyage à ses piedsâ¦
Lors de ce bref séjour, François Mitterrand nâeut de cesse dâassocier la journaliste aux entretiens et cérémonies, parmi les plus confidentiels et les plus protocolaires. Il y avait là , pêle-mêle, quelques-uns des grands dirigeants de la planète, dont Margaret Thatcher, Mikhaïl Gorbatchev, ainsi que George Bush et son épouse.
Ãpuisé, François Mitterrand ne semblait pas en mesure de suivre le rythme imposé par un agenda roboratif. Lâhomme, qui se corrodait de lâintérieur, luttait contre la maladie dans une cage aux barreaux invisibles. Le masque de son visage dissimulait lâindicible. Et chacun autour de lui sâinterrogeait sur sa capacité à tenir le rythme. Lors de ce bref séjour, lâhôte de lâÃlysée prononça pourtant un long discours, qui laissa pantois les équipes de TF1 comme la totalité des journalistes français présents. Le lendemain matin, François Mitterrand fit appeler Marine Jacquemin dans sa chambre. Et câest ensemble quâils firent le tour dâun lac jouxtant lâédifice.
Que nâavait-elle un stylo derrière lâoreille pour prendre des notes ? François Mitterrand lâembarqua à nouveau dans des confidences, dans les jardins dâune vie, dont il était le guide empressé. « Quelle est la ville au monde que tu préfères ?, lui demanda-t-il. Moi, jâai un faible pour Venise et New York, ajouta-t-il, avant quâelle nâait eu le temps de réagir. Dâailleurs, acheva-t-il, nous allons y faire une halte et je tâemmène !
Câest ainsi que lâavion présidentiel fit un crochet à New York, où François Mitterrand fit réserver une suite, ainsi quâune chambre à lâintention de celle qui découvrit lâun des plus beaux palaces de la ville aux mille gratte-ciel, lâAstoria. Ils y restèrent deux jours, durant lesquels le couple parcourut ses artères, parfois sous les caméras de cette même équipe de TF1, qui ne sut jamais le contenu des conversations quâéchangèrent ces deux êtres, quâune complicité mystérieuse semblait unir. « Mon rêve était de déambuler une dernière fois dans les rues de cette ville, lui confia le vieil homme durant cette promenade, ajoutant : Si jâaime New York, câest parce que jây puise de lâénergie.
Au cours de cette balade, François Mitterrand fut pris dâun malaise qui affola toute sa suite. Et câest dans les locaux dâune agence de la banque HSBC, sur la Cinquième Avenue, à deux pas de Manhattan, que lâhomme fit une halte afin de reprendre quelques forces, sous les regards inquiets de celle qui était devenue sans le vouloir le témoin obligé de son calvaire.
Tel un vieux couple bornant ses journées de repères et de petits gestes infiniment répétés, ces deux êtres avaient instauré entre eux toute une série de rituels. Ainsi, quand François Mitterrand téléphonait à Marine Jacquemin, il se présentait de la sorte : « Bonjour, ici monsieur
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