Les Amazones de la République
Lorrainâ¦Â », du nom de jeune fille de sa mère : un emprunt et subterfuge qui lui permettait de sâéviter toute explication. Et dont Jacques Chirac usa également â comme nous le verrons plus loin â, quand il téléphonait à lâune de ses maîtresses.
De la même manière, François Mitterrand aimait à faire les choses personnellement, quand il sâagissait dâelle. On lâa vu ainsi déposer lui-même les livres quâil lui destinait, après les avoir dénichés dans une librairie de son choix ou chez de petits bouquinistes. Mais, incapable désormais de monter les cinq étages qui menaient à son appartement, et sans doute aussi par discrétion, il laissait les ouvrages en question dans une petite crémerie qui jouxtait lâimmeuble de Marine Jacquemin, rue Lecourbe, dans le 15 e  arrondissement, à Paris. Ladite crémière, sans doute quelque peu distraite, se disait quâelle avait déjà vu ce visage quelque partâ¦
François Mitterrand, qui se dirigeait dâun même pas vers la fin de son septennat et dâune vie qui lâabandonnait, sans savoir qui de lâune ou de lâautre de ces échéances embrasserait, la première, la ligne fatidique, téléphonait régulièrement à celle qui nâavait plus besoin de montrer patte blanche pour pénétrer à lâÃlysée.
Ayant pris pour habitude de mettre de lâordre dans sa bibliothèque, il demandait à Marine Jacquemin de lâaider à faire le vide parmi les centaines dâouvrages qui peuplaient son bureau : un monceau de livres entreposés dans des rayonnages, qui ne badinaient pas avec la littérature. Et que François Mitterrand manipulait tels des grimoires.
Combien lâont vu allongé, des heures durant, plongé dans de la littérature si littéraire quâelle semblait hiéroglyphes pour le commun des mortels. « Il lisait très lentement, écrira son chauffeur Daniel Gamba. [â¦] Il pesait ce quâil lisait, comme une étude de texte à chaque page, comme si lâauteur quâil avait choisi avait la même propension que lui à laisser quelque chose de caché dans tout ce quâil laissait paraître. » « Marine, veux-tu passer demain matin, je veux que tu connaisses cet auteur » : François Mitterrand conviait, ainsi, souvent et affectueusement, celle qui accourait à lâheure du petit déjeuner.
à peine était-elle assise quâil lui demandait de lui faire la lecture. Saluant le génie de lâauteur avec envi, lâhomme, qui aimait la musique de sa voix, choisissait des ouvrages dont elle lui disait de longs passages. Comme une musique en attente de son accord.
Un jour, il lui parla longuement de lâÅuvre de lâune des figures marquantes de la société littéraire londonienne, Virginia Woolf, quâil aurait, disait-il, « rêvé de rencontrer ». Tout comme il regretta de nâavoir jamais pu déjeuner avec Julia Roberts, sur les courbes desquelles il aurait volontiers butinéâ¦Â ! Mission fut pourtant confiée à Georges-Marc Benamou de tout faire pour convaincre la star américaine dâaccepter lâinvitation du président français. « Qui y aura-t-il, à ce dîner ? », interrogea lâun des agents de lâactrice. « Outre moi, seulement Pierre Bergé », répondit le journaliste et confident du chef de lâÃtat. La conversation sâarrêta là tout net ! Ãgérie du géant des cosmétiques, Revlon, Julia Roberts fit savoir quâelle ne pouvait être à une table où se trouverait le P-DG dâYves-Saint-Laurent.
Tous ceux qui fréquentèrent François Mitterrand au plus près, à lâÃlysée, connaissent les deux portes qui encadrent le bureau du président de la République. La première donne vers la pièce quâoccupaient ses quatre secrétaires. Et la seconde, vers un petit couloir menant à une autre porte, donnant celle-ci sur les appartements privés. Ainsi que sur une petite pièce, que lâancien locataire avait transformée en bibliothèque.
Le terme nâest pas tout à fait exact : il vaudrait mieux parler ici dâun sanctuaire, dont François Mitterrand avait
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