Les Amazones de la République
éliminer les radicaux de Jean-Jacques Servan-Schreiber, Jacques Chirac, Premier ministre, était décidé à rosir son discours. Ce que Jacqueline Chabridon, en habile préceptrice, lui murmurait à lâoreille. Et Chirac, pour ses beaux yeux, était prêt à tout entendre, à tout accepter, de celle qui lui parlait dâor. Quand dâautres le cuirassaient de doutes. Outre le fait quâelle habillait ses émotions, elle modela sa pensée, relooka certains de ses slogans de campagne. Jusquâà dessiner un « nouveau Chirac ».
Cette passion pour Jacqueline Chabridon commença à inquiéter et à irriter ses principaux conseillers. à commencer par Marie-France Garaud : la dame de fer. En dâautres temps, celle-ci eût porté une robe de bure et tisonné au fer rouge ses ennemis. à commencer par celles dont elle nâacceptait pas la dérisoire présence et dont elle sâemployait à exterminer les maigres espoirs dès lors quâelles approchaient « Jacques ». Jalousie dâune courtisane court-circuitée par une jeunesse ? Nous avions affaire avec cette éminente femme de lâombre à un bloc de granit aux colères abrasives et polaires. à une araignée féroce tapie dans les coursives du chiraquisme, dont elle fut lâune des théoriciennes et, à lâoccasion, un féroce sicaire.
Classée femme « la plus puissante de France », en 1973, par le magazine américain Newsweek , cette ancienne conseillère au cabinet de Georges Pompidou occupa une place prépondérante aux côtés dâun Jacques Chirac quâelle tenait bride serrée : une experte en basses besognes qui le materna. Jusquâà sâoccuper de son agenda le plus privé. Et lui choisir la couleur de ses cravates, la coupe de ses costumes, comme le degré de cacao des chocolats quâelle lui faisait livrer directement de chez Hédiard.
Si bien que du jour où Jacqueline Chabridon fit son apparition dans le périmètre de Jacques Chirac, notre cerbère coucha illico son minois sur sa liste noire. Avant quâelle ne tombe dans les oubliettes de la chiraquie, après que Bernadette Chirac eut obtenu sa tête, Marie-France Garaud sâemploya à laminer jusquâà lâos les rêves de cette jeune journaliste.
« Hier je suis allée commettre lâadultère avec la droite et me suis bien gardé dâaller raconter mon escapade », confessa un jour Jacqueline Chabridon à lâun des cardinaux du PS, dans lâun des confessionnaux de la rue de Solferino. Péché véniel : le séminariste lâabsout et lui conseille de lire quelques versets de La Rose au poing de François Mitterrand, afin dâobtenir son pardon. Beaucoup sâinterrogeaient, ainsi, à gauche, sur ce qui allait advenir de celle dont les incantations mitterrandiennes déclenchaient des incendies dans le premier cercle de Jacques Chirac, qui lâétrillait avec application.
Non en raison de son statut de favorite : foisonnante, la vie amoureuse de cet infatigable bourdon de Chirac, dont les fringales étaient constitutives de son métabolisme, nâétait plus un sujet. Mais parce quâissue dâune famille communiste, cette jeune femme, embrigadée de longue date à gauche, avait auprès de celui dont Marie-France Garaud entendait maîtriser seule le destin une influence de plus en plus grandissante : un rôle « toxique » aux yeux de la garante du destin chiraquien.
Des douceurs tragiques dans les mirettes, dans la voix des gazouillis dâados perclus dâamour. Le tout saupoudré dâattentions de chaque instant : « le Grand » en était, il est vrai, littéralement toqué ! Jacques Chirac et cette journaliste, devenue sa première confidente, se perdaient dans de longues conversations, galantes et sérieuses à la fois, qui les entraînaient aux confins de la politique, sous les regards meurtriers dâune camarilla. Duel à distance : à droite, une sabreuse intraitable dans le rôle dâun Pygmalion aux griffes acérées, Marie-France Garaud. à gauche, une enjôleuse au statut de conseillère éclairée et dâaimante fidèle, Jacqueline Chabridon, Fréquentant clubs et cénacles parmi les
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