Les Amazones de la République
plus prisés et les plus fermés de la capitale â telle que la franc-maçonnerie â, cette observatrice attentive de la société française, aux réseaux ramifiés et à lâentregent exceptionnel, lui restituait, avec application, les interrogations et les fluctuations de lâopinion : des éléments de langage et des thèmes, tout en prêt-à -porter, quâelle lui développait et dont il se nourrissait.
Câest ainsi que cette militante convaincue parvint jusquâà sensibiliser Jacques Chirac à lâimpossible débat, qui sâouvrait alors, en France, sur le maintien de la peine de mort : six ans avant que François Mitterrand sâen empare et abolisse la guillotine. Cette question fit ainsi orgueilleusement surface un jour dans les propos de Jacques Chirac, devant Marie-France Garaud et Pierre Juillet : médusés et vouant aux gémonies celle quâils soupçonnaient dâintriguer en coulisse, les deux conseillers sâemployèrent à ramener énergiquement à la raison celui quâils pensaient marabouté par cette « gauchiste » !
Si bien que le fougueux Chirac, qui manÅuvrait en politique, depuis son plus jeune âge, par foucades et ruades successives, semblait avoir trouvé chez celle qui arrondissait ses angles et sa doctrine, non seulement un puissant sédatif, mais une boussole et un point dâéquilibre.
Intuitive, intelligente, drôle et branchée â « dans le vent », comme lâon disait à lâépoque â, bref, éminemment moderne, Jacqueline Chabridon rameuta à sa table tout ce que la « gauche caviar » comptait de célébrités. Câest ainsi que lâon vit débarquer sur la rive droite, à Matignon, lors de déjeuners ou dîners organisés par ses soins, une brochette dâintellectuels et dâartistes, déboulant de la « rive gauche » : cette république autoproclamée, dont Catherine Deneuve, Gisèle Halimi, et quelques autres, étaient des ambassadrices.
Vomie par la chiraquie, cette dernière, avocate de renom, figure du féminisme, soutien de la cause algérienne et pourfendeuse, entre autres, des adversaires à lâavortement, accepta, pour son amie, dâaller déjeuner un jour à Matignon : un lieu quâelle abominait, en raison de lâétat civil de son locataire, et dont elle franchit le seuil en se maudissant. Apprenant la nouvelle, Marie-France Garaud sâen étrangla : Léon Trotski déjeunant avec Victor-Emmanuel de Bourbon ! Une harpie à Matignon ! Câen fut trop pour celle qui, refusant de cautionner cet inceste, se fit excuserâ¦
Il y a des femmes à lâautorité et au charme desquelles on ne résiste pas. Ainsi de Chabridon. Touché en plein cÅur, Jacques Chirac chavira littéralement. Pour autant, ce dernier était-il prêt à envoyer paître son couple ? Et, par ricochet, au pilon une carrière politique prometteuse ? Rien nâétait moins sûr, même sâil lui jura, mille fois, un amour immortel. Paris nâétait-elle pas la ville des promesses éternelles, lui murmurait-il, en rêvant de tout plaquer pour elle, sans lâombre dâun remords : famille, foyer et carrière.
Si bien que la jeune femme se berça dâillusions, avec le secret espoir que « Jacques » finisse un jour par divorcer de « Bernadette ». Un rêve éveillé.
En attendant, Chirac, qui folâtrait, tel un poulain dans lâherbe jeune et verte, paniquait son entourage. Où était passé le soudard prodigue aux doubles, aux triples chevauchées, le séducteur affamé, lâinsatiable trousseur de secrétaires et de journalistes ? Comme retombé en adolescence, notre fornicateur affichait un air romantique, qui désespérait jusquâaux plus abstinentes braguettes de la chiraquie.
Tous les clignotants, toutes les alarmes de lâimposante machine chiraquienne sâétaient mis au rouge. Rien ne devait venir entraver lâascension de celui que lâon disait alors capable de tout. Et quâune garde prétorienne, perdue en conciliabules cardinalesques, surveillait de jour comme de nuit, tel un pyromane soufflant sur des braises.
Ajoutons quâà cette
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