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Les Amazones de la République

Les Amazones de la République

Titel: Les Amazones de la République Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Renaud REVEL
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époque, pas un homme politique n’avait franchi ce pas. Il faudra attendre Michel Rocard et Laurent Fabius pour que des personnalités politiques de premier plan brisent ce tabou et décident de rompre leur mariage. Pourtant, Jacques Chirac fut à deux doigts de divorcer pour celle que l’ensemble de son premier cercle – secrétaires comprises –, s’employa à écarter, à épuiser. Et à laminer.
    Ainsi de l’entourage du locataire de Matignon, qui, s’adressant à la journaliste avec une politesse toute ronde, la sabrait dès qu’elle tournait les talons et s’en retournait dans ses bureaux de RMC ou du Figaro .
    Grâce au concours zélé de sa secrétaire particulière – la toute-puissante Denise Esnous –, nombre de lettres enflammées adressées par le Premier ministre et maire de Paris à celle qu’il couvrait de cadeaux furent interceptées. Puis mises de côté dans un tiroir, quand certaines d’entre elles furent même détruites. Pour les porte-flingues du « Premier », à la manœuvre, il s’agissait de « débrancher » celle qui recevait, par l’entremise du chauffeur personnel de Jacques Chirac, Jean-Claude Laumond, des petits mots doux, écrits à même les serviettes de table des restaurants où il déjeunait.
    Â«Â Ã‡a en devient indécent : ils ne se quittent plus ! » Un matin, la coupe fut pleine pour les principaux féaux de l’homme, qui disparaissait parfois des après-midi entières avec la journaliste, qui l’attendait non loin de Matignon. Mandatée, Denise Esnous téléphona un matin à Jean-François Probst. Lui faisant part de son inquiétude et de la dimension que prenait – aux yeux des caciques du RPR, mais pas seulement – cette relation, elle conjura le jeune conseiller de parler, séance tenante, à Jacques Chirac. Lui, peut-être, saurait trouver les mots. Et le raisonner… Tétanisé à cette seule idée, Probst refusa tout net. Après qu’il eut considéré que cette question, qui relevait, selon lui, de l’intimité du locataire de Matignon – un cercle de feu dont personne n’osait s’approcher –, ne le regardait pas.

Chapitre 21
Briser Le Monde
    Â«Â Vous avez vu ce papier dans Le Monde d’aujourd’hui, Jean-François ? Ce n’est plus possible ! Tout cela suffit. Il va falloir mettre un peu d’ordre dans tout ce foutoir ! » Convoqué, ce matin-là, par Marie-France Garaud, Jean-François Probst examinait, inquiet, celle qui venait de faire sauter le cran de sûreté d’un œil revolver. La chasse était ouverte et ça allait chauffer. Restait à désigner la cible. Et le nom tomba, comme le couperet sur le billot : « Nous allons commencer par Passeron, dégoupilla, d’une rage froide, notre dame en titane. Il s’agit de ramener ce monsieur à la raison », ajouta-t-elle, n’acceptant plus la présence de ce journaliste du Monde dans les allées de Matignon et de l’Hôtel de Ville. Et encore moins la tonalité de ses articles. « Il est grand temps, acheva-t-elle, de faire le ménage dans l’entourage de Jacques ! » Et de guillotiner cette relation, pour résumer la pensée de cette conseillère qui avait scellé son destin à celui du maire de Paris et Premier ministre.
    Le nom de Jacqueline Chabridon ne fut pas prononcé ce jour-là. Et c’est de son porte-plume, supposé, dont Marie-France Garaud entendait s’occuper. Et personnellement. Frais, naïf, émoulu de Sciences Po, et pris d’une panique soudaine, Jean-François Probst ne comprit pas tout de suite l’allusion. Que voulait dire Marie-France Garaud par « ramener à la raison » un journaliste ? Et comment imaginer peser sur le numéro deux d’un quotidien, dont la puissance était telle, à l’époque, que personne n’aurait osé la moindre pression sur l’un de ses dirigeants. Ni même sur l’un de ses coursiers.
    Â«Â Demandez à Passeron de passer me voir. Et je vous demanderai d’assister à cet entretien, Jean-François. Je veux vous montrer comment il faut s’y prendre. Le service de presse est bien trop

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