Les Amazones de la République
comédie chiraquienne souvent divertit. Cet ancien élève de Sciences Po, tout juste âgé de 25 ans, géra longtemps des pans entiers de lâagenda intime du fougueux Chirac. Assez vite, le jeune Premier ministre témoigna de la confiance pour cette jeune recrue primesautière et dévouée, que la saine immoralité de son chef ébouriffait.
Dépositaire de nombreux secrets et confidences, il fut lâun des rares collaborateurs de Jacques Chirac à connaître, notamment, les adresses les plus cachées de quelques-unes de ses garçonnières : des refuges discrets où ce dernier donnait rendez-vous à ses différentes maîtresses. Câest ainsi que lâancien Premier ministre iranien, Amir Abbas Hoveida, fut de ceux qui mirent à sa disposition de petits appartements : situé avenue Montaigne à Paris, celui-ci accueillit le couple à plusieurs reprises. Croisant un jour le regard de son jeune conseiller dans un couloir de lâhôtel Matignon, alors quâil sâapprêtait à prendre sa voiture pour aller retrouver Jacqueline Chabridon, Chirac lui chuchota à lâoreille, dans un clin dâÅil entendu : « Toujours joindre lâutile à lâagréable, mon cher Jean-François ! »
Une longue éducation de lâÅil était en tout cas nécessaire pour décrypter Jacques Chirac, exercice auquel était parvenu assez rapidement le jeune Probst. Toute femme qui rentrait dans le champ de vision du Premier ministre était ainsi scannée. Et quand lâune dâentre elles était jugée digne dâêtre harponnée, il faisait appel à son jeune sherpa, ou à son chauffeur, pour les questions dâintendance. Outre ses pied-à -terre parisiens, Jacques Chirac disposait également dâun prestigieux réseau dâamis, qui lui prêtaient villas de luxe et demeures discrètes. Figurait parmi ceux-ci le président du Sénégal, Abdou Diouf, celui de la république du Gabon, Omar Bongo, ou encore, Gaston Flosse, un ami de trente ans de Jacques Chirac et roitelet de Polynésie⦠Il suffisait au locataire de Matignon dâun coup de fil pour que lâun dâentre eux mette immédiatement à sa disposition une villa où il y emmenait ses maîtresses du moment.
Certaines journalistes, assurées de leur beauté, en eurent les honneurs. Lors dâun de ses déplacements en Afrique noire, Jacques Chirac eut la surprise de se voir proposer des chambres au luxe ostentatoire et dâun goût discutable : fourrure de tigre en guise de draps de lit, salle de bains à la robinetterie en or, sol en marbre et jéroboam de champagne⦠Embarrassé, Chirac ne put refuser. Mais comment expliquer, même à la dernière des courtisanes, quâil nâétait pour rien dans le choix de ce lupanar au décorum digne dâun bordel des mille et une nuits ?
Ãvitons-nous de juger ou de condamner. Mais essayons de comprendre. Que les années deux mille ne sont pas les années soixante-dix. Que les Français, en ce temps-là , nâétaient pas ceux dâaujourdâhui. Et que la classe politique, à lâépoque, qui était autrement plus libertaire et libertine, se souciait comme dâune guigne du quâen-dira-t-on. Quand la nôtre, aujourdâhui, étrille et excommunie à bon compte DSK, dâune voix qui sonne musicalement menteuse, portant la morale et les bonnes mÅurs à la boutonnière. Les mêmes qui exécutaient Chirac quand celui-ci était aux affaires, affichent aujourdâhui une mine confite de dévotion à lâévocation de son passé. Lâhomme qui nâhésitait pas à aller chercher des jetons sous la table et à jouer son destin avec des cartes souvent biseautées est salué désormais comme lâun des plus beaux flambeurs que les tapis verts de la politique aient vu passer.
Dolmen de certitudes, Jacques Chirac affichait, en Artaban, une énergie galvanisante, une volonté revigorante et une cavalcadante allure, qui fit chavirer bon nombre des journalistes qui lâapprochèrent. Plongé dès son plus jeune âge dans le grand bain tauromachique de la politique, lâhomme, avec sa haute taille, son élégance sur mesure et ses joies vulgaires, avait, il est vrai, fière allure. Des
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