Les Amazones de la République
dans le visage parcheminé dâune Danielle Mitterrand, dont la chronique amoureuse nâeut rien à envier à celle de lâhomme dont elle épousa le destin jusquâà sa mort.
Telles de vieilles amies se remémorant des souvenirs enfouis, entre mille histoires et mille anecdotes, les deux femmes revisitaient le passé. Elles parlaient, ou plutôt se perdaient dans les dédales dâune vie à tiroirs, dont chacune détenait des clés. Et câest au détour dâune phrase et de manière imprévue, que Danielle Mitterrand revint, dâun mot, sur la liaison quâentretint celle qui lui faisait face avec « Jacques »â¦
« Allons Danielle, sâil te plaît ! », sâexclama Jacqueline Chabridon, dont lâÅil sâalluma. Devançant celle qui la toisait, elle se mit à évoquer, dâun ton qui se voulait sans équivoque, une célèbre photo publiée en couverture de France Soir , au milieu des années quatre-vingt, montrant Jacques Chirac et Danielle Mitterrand côte à côte, souriant et plus complices que jamais.
Que sous-entendait-elle, de cette manière aussi ironique que sibylline, elle qui nâignorait rien, ou presque, de lâintimité de lâépouse de François Mitterrand ? Quây avait-il derrière cette évocation malicieuse, qui vit Danielle Mitterrand raser les murs de sa mémoire et plonger dans un silence narquois ? Tout resurgissait en elle : mais quoi ? Bref, que sâétait-il donc passé entre lâépouse de François Mitterrand et Jacques Chirac, pour que lâexhumation de cette photo provoque une telle réaction, à trente années de distance ? Interrogée par lâauteur, ici encore, Jacqueline Chabridon nâen dit pas plus⦠Seul son regard, où se lisait lâindicible, nous plongea dans un abîme dâinterprétationsâ¦
Chapitre 20
Dans lâombre de Chiracâ¦
On a évoqué lâinfluence quâeurent nombre de ces journalistes sur les hommes politiques quâelles fréquentèrent. Jacqueline Chabridon en fut, qui pesa de manière certaine et non négligeable sur beaucoup de prises de positions et dâévolutions de Jacques Chirac. Sa faconde, comme sa force de conviction, ébranlèrent, à plus dâune reprise, celui quâelle parvint, notamment, et contre toute attente, à réconcilier avec une partie de la presse de gauche. Dont Le Monde â à lâépoque, le quotidien le plus puissant de France.
Décapé par les défoliants de la gauche intellectuelle qui lâétrillait et dont ce « brûlot » était la Bible, Jacques Chirac, nâen demandait pas tant. Et lorsquâil vit le numéro deux de ce quotidien, André Passeron, franchir un matin le seuil de son bureau, à Matignon, il eut pour lui le regard pincé du nobliau le plus conservateur se surprenant à fréquenter la barrière : à côtoyer ces « gens-là  » !
Outre le fait que cette figure de la presse française était lâun des généraux de ce quotidien, il en imprimait dâabord la ligne éditoriale et politique. Ainsi, Passeron était une puissance nucléaire à lui seul : un gauchemar ,selon une formule de Jean Cau. Passés les formules dâusage et le temps de lâapprivoisement réciproque, les deux hommes entamèrent une longue discussion. Dâun tournemain et sans savoir si ce quâil lui disait était conforme aux épîtres de son camp, Jacques Chirac réussit le tour de force de faire vaciller celui avec lequel il noua, de ce jour, une relation suivie.
Si bien que les colonnes du Monde , par une inclinaison soudaine de sa ligne éditoriale, sâen trouvèrent transformées. Au bénéfice dâun Chirac qui bénit lâintuition, lâentregent et le sens politique de sa fidèle « conseillère ».
« Vous me soignez Passeron » passa du coup pour consigne, à son cabinet, le jeune Premier ministre. Ce rapprochement avec Le Monde était dâautant plus déterminant pour Jacques Chirac que, sâemployant à casser la démocratie chrétienne et les centristes de Jean Lecanuet, à briser lâaile dure de la droite, incarnée par Michel Poniatowski, ainsi quâÃ
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