Les Amazones de la République
Bénin, il convia à sa table, au milieu de ses sherpas et dâune brochette de dignitaires bénins, celle dont le statut de journaliste sâeffaçait alors, pour se substituer à celui dâune première dame dâopérette.
Et là , toujours, le même Chirac prononça un soir la phrase fatidique : la promesse dâun divorce qui lâemmènerait sur la rive opposée dâune vie à reconstruire. Tels des platanes impeccablement alignés le long dâune route, montant une garde prétorienne, la soldatesque chiraquienne, conduite par la générale Bernadette, sonna le tocsin. Et la plume de lâAFP fut balayée par le vent mauvais.
Comme dans les dédales dâune sous-préfecture où lâon erre de guichetiers en guichetières, à la recherche du bon formulaire ou du bon tampon, Elisabeth Friederich acheva son calvaire au service logement de la Ville de Paris, un bureau transformé en « Chambre des larmes » â pour reprendre une image vaticane â pour celle dont on accompagna lâéviction. Affable, lâun des conseillers de Jacques Chirac, mandaté par ses soins, sâemploya à panser les plaies dâune jeune femme, à qui fut proposé un appartement de la Ville. Du bon usage du cadastre pour effacer lâoubli, la rupture et lâindifférence de celui qui lui avait tout promis⦠Cette autre poupée délaissée sâen alla noyer son chagrin auprès des siens, couchée sur les coussins dâune mer de tristesse.
Chapitre 30
Vu du rétroviseur du « chauffeur à Chirac »
Le téléphone venait de sonner. Et, au bout du combiné, un Chirac caporaliste. « Laumond, mangez un morceau dès que vous avez cinq minutes et pissez avant de partir. On ne sait jamais⦠â Oui monsieurâ¦Â »
Le visage est rubicond, la silhouette du même calibre â charpentée et tout ce quâil y a de chiraquienne â, et le bagout, indomptable : la montagne qui vous fait face est parfois secouée dâun tremblement de rire, quand il évoque, puisés au fond de sa mémoire â une cervelle sans failles â, ses faits dâarmes aux côtés de celui quâil servit, corps et âme, pendant plus de vingt-cinq ans.
Chauffeur dâun dirigeant politique quâil accompagna un quart de siècle durant, de la mairie de Paris à lâÃlysée, Jean-Claude Laumond a beaucoup vu, beaucoup su. Et beaucoup entendu : de la nitroglycérine en barrique pour un magistrat un tant soit peu curieux, qui aurait pris la peine de raviver sa mémoire. Jacques Chirac, qui ne sâépancha que très rarement sur ses liaisons extraconjugales, eut ainsi pour rare témoin cette ombre omniprésente, dont le clan Chirac sâemploya à faire du menu bois, en le qualifiant, pêle-mêle, tantôt de corniaud et de mythomane, tantôt de grande gueule et dâalcoolique. Toute la gamme y passa. Et Dieu sait, pourtant, que les récits, détaillés, de ce dernier auraient mérité que lâon sây arrête, que lâon y prête une oreille plus quâattentive, à lâeffroi, naturellement, de tout un clan, qui le sabra. Ceci expliquant sans doute cela.
Jean-Claude Laumond ? Admirateur déçu dâun homme qui lâabandonna, exilé à son tour par lâépouse de lâancien chef de lâÃtat, cet oblat, dâune dévotion christique, partagea lâintimité dâun dirigeant politique de tout premier rang : un homme auquel il aurait pu causer des torts considérables si, tenu par un droit de réserve qui lâhonore, Laumond nâavait toujours tu nombre de secrets â certains presque dâÃtat â, autrement plus explosifs que les histoires dâalcôve qui vont suivre. Et dont il fut un protagoniste amusé.
Invité à « balancer » par une brochette dâéditeurs affamés, notre chauffeur commit ainsi un livre anodin, qui rassura la famille Chirac et au-delà . Les casseroles de lâancien président ? Des dés à coudre sous la plume indulgente et amnésique de celui qui, témoin attentif de biens de carambouilles dâun système, aurait pu en aligner une batterie. Jusquâà ébranler, dans un concert autrement plus sonore, la
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