Les Amazones de la République
celle quâil avait inscrites à son tableau de chasse et quâil sâapprêtait à visiter.
Mais quand vous rentrez dans lâintimité dâune personnalité telle que cet ancien locataire de lâÃlysée, et que celui-ci vous embarque dans ses parties de stock-car amoureux, vous avez de fortes chances de finir dans un étau : ce qui fut son cas. Pris en tenaille entre un cercle familial dâune méchanceté très sûre et une camarilla de conseillers habitués aux coups tordus, et sur le qui-vive, Jean-Claude Laumond vécut lâenfer.
Au point que, pris dâun coup de spleen soudain, car nâen tenant plus, il sâeffondra un beau matin dans sa voiture : « Jâarrête, monsieur ! Ce nâest plus possible, dit-il au maire de Paris, dâune voix dâoutre-tombe. â Quâest-ce qui se passe, Laumond ?, sâinquiéta Chirac. â Tout va mal, monsieur. Jâai contre moi votre chef de cabinet, votre fille, Claude, qui ne me lâche pas, vos officiers de police, qui me soupçonnent de tout. Et madame, qui me harcèle. Tout le monde me donne des ordres. Tournez à gauche ! Tournez à droite ! Allez tout droit ! Laumond ! Laumond ! Laumond ! Je nâen peux plus ! » Tenu en perpétuelle haute surveillance, sous le joug dâune « armée de morpions », lâhomme disait craquer littéralement. Sa voiture était devenue un mitard, lâHôtel de Ville, une prison et le clan Chirac et ses barons, des matons.
Jacques Chirac laissa ce gisant, qui semblait sâéteindre à lâavant du véhicule, vider son sac. Puis lui lâcha, dâun ton on ne peut plus sec : « Laumond ! Câest qui le patron, ici ? â Mais câest vous, monsieur ! », répondit celui qui lui disait vouloir tout plaquer : à commencer par ce Gulliver de la politique qui rugissait à lâarrière. Ras le bol ! Il ne serait pas le François Pignon des Chirac ! Le souffre-douleur dâun dîner de cons organisé par une armée de médisants, dont il était devenu la tête de Turc !
« Mais où est le problème, Laumond ? Vous nâécoutez que moi et personne dâautre ! Tout le reste â je dis bien tout le reste â, restera entre vous et moi ! » Dans son rétroviseur devenu miroir, il vit se refléter le visage dâun Chirac déterminé à interdire â à quiconque ! â, de sâimmiscer dans son intimité. « Hein, Laumond ? » La masse soupira et, dâune docilité toute canine, acquiesça dâun signe de tête. Et reprit la route. Et son collier.
Il ne sâarrêterait donc jamais ? songea son chauffeur. Question idiote. Les hommes politiques sont ainsi faits : ils ne décrochent quâune fois morts. Quant à un Chirac, ça piaffe, ça cavale, ça bouffe, ça éructe, ça débonde, ça se bat. Ãa donne des coups de cornes, jusquâau bout. Et ça ne cale jamais. « Laumond, pitié, pas dâétat dââme ! Et oubliez le reste », acheva Chirac. Fermez le ban ! Son patron, qui venait de le recadrer, comptait bien promener son mufle dans les arènes de la politique, jusquâà son dernier souffle. Embrasser lâÃlysée, cet Olympe, puisque tel était son destin. Et humer, comme bon lui semble, le doux pollen féminin, jusquâà son dernier soupir. Cela faisait plus de trente années que cette vie tout de guingois lui convenait. Et personne ne sâaviserait à la remettre dâaplomb.
Sa tirade achevée, Chirac se replongea dans ses pensées, oublia cette statue, figée à lâavant, et reprit le sentier dâune vie adolescente, pour sâen aller bander son arc et pointer ses flèches sur une colonie de jeunes scribouilleuses, qui piaffaient alentour.
Avec lâÃlysée pour futur pied-à -terre et nouveau lupanar, ça grenouillerait sec ! Des jolies filles, des journalistes, il en aurait forcément à se mettre sous la dent, et sous la couette, se disait Laumond, qui connaissait jusquâau matricule de leurs cartes de presse. Rasséréné, il savait en tout cas quâil nâaurait désormais de comptes à rendre quâà un
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