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Les Amazones de la République

Les Amazones de la République

Titel: Les Amazones de la République Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Renaud REVEL
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celle qu’il avait inscrites à son tableau de chasse et qu’il s’apprêtait à visiter.
    Mais quand vous rentrez dans l’intimité d’une personnalité telle que cet ancien locataire de l’Élysée, et que celui-ci vous embarque dans ses parties de stock-car amoureux, vous avez de fortes chances de finir dans un étau : ce qui fut son cas. Pris en tenaille entre un cercle familial d’une méchanceté très sûre et une camarilla de conseillers habitués aux coups tordus, et sur le qui-vive, Jean-Claude Laumond vécut l’enfer.
    Au point que, pris d’un coup de spleen soudain, car n’en tenant plus, il s’effondra un beau matin dans sa voiture : « J’arrête, monsieur ! Ce n’est plus possible, dit-il au maire de Paris, d’une voix d’outre-tombe. — Qu’est-ce qui se passe, Laumond ?, s’inquiéta Chirac. — Tout va mal, monsieur. J’ai contre moi votre chef de cabinet, votre fille, Claude, qui ne me lâche pas, vos officiers de police, qui me soupçonnent de tout. Et madame, qui me harcèle. Tout le monde me donne des ordres. Tournez à gauche ! Tournez à droite ! Allez tout droit ! Laumond ! Laumond ! Laumond ! Je n’en peux plus ! » Tenu en perpétuelle haute surveillance, sous le joug d’une « armée de morpions », l’homme disait craquer littéralement. Sa voiture était devenue un mitard, l’Hôtel de Ville, une prison et le clan Chirac et ses barons, des matons.
    Jacques Chirac laissa ce gisant, qui semblait s’éteindre à l’avant du véhicule, vider son sac. Puis lui lâcha, d’un ton on ne peut plus sec : « Laumond ! C’est qui le patron, ici ? — Mais c’est vous, monsieur ! », répondit celui qui lui disait vouloir tout plaquer : à commencer par ce Gulliver de la politique qui rugissait à l’arrière. Ras le bol ! Il ne serait pas le François Pignon des Chirac ! Le souffre-douleur d’un dîner de cons organisé par une armée de médisants, dont il était devenu la tête de Turc !
    Â«Â Mais où est le problème, Laumond ? Vous n’écoutez que moi et personne d’autre ! Tout le reste – je dis bien tout le reste –, restera entre vous et moi ! » Dans son rétroviseur devenu miroir, il vit se refléter le visage d’un Chirac déterminé à interdire – à quiconque ! –, de s’immiscer dans son intimité. « Hein, Laumond ? » La masse soupira et, d’une docilité toute canine, acquiesça d’un signe de tête. Et reprit la route. Et son collier.
    Il ne s’arrêterait donc jamais ? songea son chauffeur. Question idiote. Les hommes politiques sont ainsi faits : ils ne décrochent qu’une fois morts. Quant à un Chirac, ça piaffe, ça cavale, ça bouffe, ça éructe, ça débonde, ça se bat. Ça donne des coups de cornes, jusqu’au bout. Et ça ne cale jamais. « Laumond, pitié, pas d’état d’âme ! Et oubliez le reste », acheva Chirac. Fermez le ban ! Son patron, qui venait de le recadrer, comptait bien promener son mufle dans les arènes de la politique, jusqu’à son dernier souffle. Embrasser l’Élysée, cet Olympe, puisque tel était son destin. Et humer, comme bon lui semble, le doux pollen féminin, jusqu’à son dernier soupir. Cela faisait plus de trente années que cette vie tout de guingois lui convenait. Et personne ne s’aviserait à la remettre d’aplomb.
    Sa tirade achevée, Chirac se replongea dans ses pensées, oublia cette statue, figée à l’avant, et reprit le sentier d’une vie adolescente, pour s’en aller bander son arc et pointer ses flèches sur une colonie de jeunes scribouilleuses, qui piaffaient alentour.
    Avec l’Élysée pour futur pied-à-terre et nouveau lupanar, ça grenouillerait sec ! Des jolies filles, des journalistes, il en aurait forcément à se mettre sous la dent, et sous la couette, se disait Laumond, qui connaissait jusqu’au matricule de leurs cartes de presse. Rasséréné, il savait en tout cas qu’il n’aurait désormais de comptes à rendre qu’à un

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