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Les Amazones de la République

Les Amazones de la République

Titel: Les Amazones de la République Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Renaud REVEL
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les plus belles années de sa vie. Se cuirassant de liaisons et d’aventures enchâssées les unes dans les autres, afin d’échapper à la monotonie de sa charge, l’homme y affichait une mine radieuse.
    Si bien que le passage de la mairie de Paris à l’Élysée, en 1995, ne fut pas, pour ce Gaulois ripailleur à la sexualité débraillée, une partie de plaisir.
    Car passer de cette ancienne « Maison aux piliers », dessinée par l’architecte italien Boccador, à cette résidence officielle des présidents de la République, depuis que le maréchal Mac Mahon, élu en mai 1873, s’y installa définitivement, c’est comme basculer, pour un artiste, des planches d’une scène de province à l’audience confidentielle aux tréteaux médiatisés de l’Olympia : c’est passer du confinement à la lumière. Et, pour Chirac, d’une oasis aux geôles d’Alcatraz.
    Retranché dans ses bureaux de l’Hôtel de Ville, Jacques Chirac avait, en effet, depuis des lustres, entière liberté pour consommer ses nombreuses vies, toutes cloisonnées, sans avoir le moindre projecteur braqué sur ses faits et gestes. Mais, ayant franchi les grilles de l’Élysée, après des mois de campagne passés à séduire les foules, à serrer des mains de ville en ville et à embrasser le regard de celles d’où perlaient des invitations parfois brûlantes, notre pur-sang, tenu bride serrée, perdit de sa superbe.
    Oublié, l’Hôtel de Ville et ses mœurs babyloniennes : traqué par les médias, soumis au rythme impitoyable d’une machine élyséenne au protocole millimétré et cornaqué par ces deux serre-livres que sont Bernadette, son épouse, et Claude, sa fille, le Chirac président se dit qu’il allait s’étioler dans cette prison dorée.
    L’Élysée ? Ceux qui sont dehors rêvent d’y rentrer. Et ceux qui y vivent ne pensent qu’à s’en échapper. « Ras le bol » : soûlé d’obligations, placé, chaque jour que Dieu fait, sous les feux des projecteurs et traqué par une presse inquisitrice, Nicolas Sarkozy le confia, un soir de lassitude, à quelques-uns de ses intimes. Assommé de contraintes et enseveli sous les pages d’un agenda roboratif, Jacques Chirac, quant à lui, s’en échappa le plus possible, en pratiquant la politique buissonnière : des échappées solitaires, synonymes chez lui de délivrance. Convaincu qu’il n’avait sans doute pas épuisé tous les délices d’une vie rêvée, sous les lambris de l’Hôtel de Ville, l’homme envisagea l’Élysée avec le sentiment qu’il y perdrait une partie de lui-même. S’il confessait, à voix haute, rêver de cet Olympe, son inconscient lui soufflait bien autre chose. Oui, il y avait un peu de DSK chez ce Chirac : le combat quotidien d’un homme tiraillé par son double. « Qui voulait tout », pour reprendre le mot du psychanalyste Gérard Miller, lequel consacra un portrait intrusif 6 à l’ancienne figure déchue du FMI.
    Chirac flottait. Au point que certains parmi ses proches s’en inquiétèrent. Où était donc passé notre bel hidalgo ? Comment celui qui jusqu’ici fumait trois paquets par jour, mangeait comme quatre et alignait, gargantuesque, maîtresses et canettes de Corona à un rythme égal, de stakhanoviste, s’accommoderait-il d’être mis en pot, telle une plante d’appartement ? L’écrivain corrézien et ami de Jacques Chirac, Denis Tillinac, eut ainsi cette phrase, pour résumer cette période d’alanguissement : « Enfermez le plus beau limier dans un appartement, il ne sentira plus un sanglier à deux mètres. Mon bel alezan s’est transformé en veau aux hormones ! »
    6 . L’homme qui voulait tout , Gérard Miller, France 3, 20 mars 2013.

Chapitre 29
« Monsieur Georges »
    L’objectif fixé sur le gibier et l’attente : les yeux interrogent la plage, scrutent les corps allongés sur les transats. Jusqu’à ce que la cible recherchée – chemise blanche aux poignets retroussés, short bleu foncé et lunettes noires –, se

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