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Les Amazones de la République

Les Amazones de la République

Titel: Les Amazones de la République Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Renaud REVEL
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intermède : « Dix minutes douche comprise ! » C’est ainsi que l’on qualifia communément ce tombeur boulimique, dont le quotidien, entrelardé d’intermèdes coquins, n’était qu’une perpétuelle course contre la montre et la vie qui s’écoulait.
    Â«Â Il n’est pas de beauté d’âme sans joie païenne du corps », écrit Jean Cau 7  : Chirac en fit un adage. Jamais au repos, il médusa son entourage, qui tenta de le décrypter. Lors d’un vol qui l’emmenait vers les États-Unis, son chauffeur eut une conversation avec le médecin rattaché au président de la République. Les deux hommes échangèrent longuement sur cet insatiable besoin de séduire d’un Chirac, qui subjuguait jusqu’aux dragueurs les plus impénitents de l’hémicycle. Et le praticien d’expliquer que, tels les grands sportifs, les tensions extrêmes auxquelles était soumis ce dirigeant politique au métabolisme de pur-sang l’obligeait à expulser ce trop-plein d’énergie. D’une manière ou d’une autre.
    Un regain de pression, une contrariété, une journée infernale ? Seul un «  speed dating  » pouvait calmer cette masse de sensualité brute, qui désolait son bureau au premier coup de blues venu. Chirac plaquait tout et prenait alors la poudre d’escampette. Ces nombreuses escapades ont parfois donné lieu à des situations pittoresques. C’est ainsi qu’il se fit déposer l’une de ces après-midi devant l’échoppe d’une fleuriste, dont la devanture était oblitérée par de larges tentures. Le chef de l’État s’y engouffra et y resta une petite heure. Avant d’en ressortir, comme ragaillardi, puis de remonter dans sa voiture sans un mot, si ce n’est cet ordre : « Allez, Laumond, on rentre ! »
    Lors de l’une de ces autres nombreuses sorties, Jacques Chirac demanda que l’on fasse un détour par les grands boulevards de la capitale. C’était au printemps et il régnait une douceur estivale sur Paris. Chirac, qui avait baissé la fenêtre de sa voiture et réconcilié ses deux yeux (le dur et le rêveur), rivés sur les jolies Parisiennes attablées aux terrasses des cafés, aperçut une jeune femme qui marchait sur le trottoir. « Freinez, Laumond, freinez ! », intima-t-il à son chauffeur. Ce que ce dernier fit si brusquement qu’il provoqua un accident avec la voiture qui le suivait. On ne saurait imaginer trio plus désemparé et spectacle plus grotesque : un président de la République, son chauffeur et son officier de sécurité accidentés en plein Paris, avec un automobiliste vociférant et dont le pare-chocs réclamait un rebouteux ! « On dégage, Laumond ! » Ni une ni deux, nos Pieds nickelés prirent la poudre d’escampette, gyrophare et sirènes à bloc.
    Ces déambulations prenaient également des tours plus communs. Quand son chauffeur trouvait Jacques Chirac en petite forme, il lui proposait de l’emmener boire un verre dans quelques-uns des cafés qu’il affectionnait, tel La Créole : un bar situé boulevard Montparnasse tenu par un dénommé Charles-Claude, qui confectionnait, pour celui qui était alors maire de Paris, l’un des meilleurs petits punchs de la capitale.
    Ã€ force de se livrer à des acrobaties pour échapper à la surveillance d’une épouse aux aguets, à force de débouler, infatigable, sur le perron de l’Élysée, où l’attendait sa voiture prête à prendre le maquis, son locataire finit par se créer quelques désagréments. C’est ainsi qu’un matin, l’un des gendarmes en poste au Château, interpella discrètement le chauffeur, auquel il souffla, embarrassé : « Cela ne me regarde pas, mais je tenais à vous dire que chaque fois que vous partez avec le président, en début d’après-midi, M me  Chirac vous observe d’une fenêtre, au premier étage. » Les gendarmes, qui étaient attachés à la sécurité du chef de l’État, avaient naturellement compris le petit manège. Mais la discrétion leur imposait de ne pas intervenir dans ce qui relevait des activités

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