Les Amazones de la République
intermède : « Dix minutes douche comprise ! » Câest ainsi que lâon qualifia communément ce tombeur boulimique, dont le quotidien, entrelardé dâintermèdes coquins, nâétait quâune perpétuelle course contre la montre et la vie qui sâécoulait.
« Il nâest pas de beauté dââme sans joie païenne du corps », écrit Jean Cau 7  : Chirac en fit un adage. Jamais au repos, il médusa son entourage, qui tenta de le décrypter. Lors dâun vol qui lâemmenait vers les Ãtats-Unis, son chauffeur eut une conversation avec le médecin rattaché au président de la République. Les deux hommes échangèrent longuement sur cet insatiable besoin de séduire dâun Chirac, qui subjuguait jusquâaux dragueurs les plus impénitents de lâhémicycle. Et le praticien dâexpliquer que, tels les grands sportifs, les tensions extrêmes auxquelles était soumis ce dirigeant politique au métabolisme de pur-sang lâobligeait à expulser ce trop-plein dâénergie. Dâune manière ou dâune autre.
Un regain de pression, une contrariété, une journée infernale ? Seul un « speed dating » pouvait calmer cette masse de sensualité brute, qui désolait son bureau au premier coup de blues venu. Chirac plaquait tout et prenait alors la poudre dâescampette. Ces nombreuses escapades ont parfois donné lieu à des situations pittoresques. Câest ainsi quâil se fit déposer lâune de ces après-midi devant lâéchoppe dâune fleuriste, dont la devanture était oblitérée par de larges tentures. Le chef de lâÃtat sây engouffra et y resta une petite heure. Avant dâen ressortir, comme ragaillardi, puis de remonter dans sa voiture sans un mot, si ce nâest cet ordre : « Allez, Laumond, on rentre ! »
Lors de lâune de ces autres nombreuses sorties, Jacques Chirac demanda que lâon fasse un détour par les grands boulevards de la capitale. Câétait au printemps et il régnait une douceur estivale sur Paris. Chirac, qui avait baissé la fenêtre de sa voiture et réconcilié ses deux yeux (le dur et le rêveur), rivés sur les jolies Parisiennes attablées aux terrasses des cafés, aperçut une jeune femme qui marchait sur le trottoir. « Freinez, Laumond, freinez ! », intima-t-il à son chauffeur. Ce que ce dernier fit si brusquement quâil provoqua un accident avec la voiture qui le suivait. On ne saurait imaginer trio plus désemparé et spectacle plus grotesque : un président de la République, son chauffeur et son officier de sécurité accidentés en plein Paris, avec un automobiliste vociférant et dont le pare-chocs réclamait un rebouteux ! « On dégage, Laumond ! » Ni une ni deux, nos Pieds nickelés prirent la poudre dâescampette, gyrophare et sirènes à bloc.
Ces déambulations prenaient également des tours plus communs. Quand son chauffeur trouvait Jacques Chirac en petite forme, il lui proposait de lâemmener boire un verre dans quelques-uns des cafés quâil affectionnait, tel La Créole : un bar situé boulevard Montparnasse tenu par un dénommé Charles-Claude, qui confectionnait, pour celui qui était alors maire de Paris, lâun des meilleurs petits punchs de la capitale.
à force de se livrer à des acrobaties pour échapper à la surveillance dâune épouse aux aguets, à force de débouler, infatigable, sur le perron de lâÃlysée, où lâattendait sa voiture prête à prendre le maquis, son locataire finit par se créer quelques désagréments. Câest ainsi quâun matin, lâun des gendarmes en poste au Château, interpella discrètement le chauffeur, auquel il souffla, embarrassé : « Cela ne me regarde pas, mais je tenais à vous dire que chaque fois que vous partez avec le président, en début dâaprès-midi, M me  Chirac vous observe dâune fenêtre, au premier étage. » Les gendarmes, qui étaient attachés à la sécurité du chef de lâÃtat, avaient naturellement compris le petit manège. Mais la discrétion leur imposait de ne pas intervenir dans ce qui relevait des activités
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