Les Amazones de la République
privées du président de la République.
« Monsieur, il faut que je vous parle », lança Jean-Claude Laumond à son passager, une fois passé le portail dâentrée de lâÃlysée. â Quâest-ce quâil y a encore ? â Nous avons un petit problème, monsieur, se risqua lâintéressé, dâune voix mal arrimée, mais je ne sais pas comment vous le dire⦠â Allez-y, filez à lâessentiel ! », coupa celui qui sâimpatientait, car son portable gémissait : son prochain rendez-vous galant qui piétinait de lâescarpinâ¦
« Vas-y, toi ! » : sâadressant à lâofficier de police assis à côté de lui, le chauffeur, devenu un paquet dâos en liquéfaction, préféra lâesquive. « Ah non, ce ne sont pas mes affaires ! », répliqua le pandore, tout aussi congestionné. « Quâon en finisse !, sâagaça alors Chirac, quâest-ce qui se passe ? â Eh bien, monsieur, croyez-moi, câest une erreur que de prendre la voiture dans la cour. â Ah oui ? Et dites-moi pourquoi ? »
Prenant son courage à deux mains, Laumond expliqua à Jacques Chirac que, lorsquâil prenait ainsi la voiture, sans raison apparente, en milieu dâaprès-midi, son épouse semblait le surveiller : « Chaque fois, elle est là . Et ce sont vos gendarmes qui mâen ont averti. Non seulement, je me devais de vous le dire, mais je pense, monsieur, quâil serait plus sage que je vous prenne désormais de lâautre côté de lâÃlysée : côté cuisines. â Vous avez raison, Laumond, ce nâest pas idiot. Désormais, nous ferons comme ça. » Câest ainsi que les deux compères partirent de ce jour en catimini dans les rues de Paris, en sâengouffrant dans la berline élyséenne, discrètement stationnée dès lors dans la partie de lâÃlysée où se trouvent les dépendances. Ce souterrain, qui mène au garage du Château, donne en fait sur la rue du Cirque : câest encore aujourdâhui une sortie discrète quâemprunta longtemps Louis Napoléon Bonaparte, quand il rejoignait, furtivement, lâune de ses maîtresses, qui habitait dans un immeuble alentour. Lorsque Camille Pascal, jeune conseiller de Nicolas Sarkozy, prit ses fonctions, au printemps 2011, Franck Louvrier, le directeur de la communication de lâancien chef de lâÃtat, lui indiqua ce fameux souterrain qui permettait des échappées discrètes : galantes ou non. Combien de nymphes ont emprunté, incognito, ce boyau, que visitèrent également, discrètement, quelques journalistes de passage, ces vingt dernières années ? Un certain nombre, si lâon en croit les plus anciens parmi les huissiers de lâÃlysée, qui pourraient en dresser la liste, sâils nâétaient tenus au secret.
7 . Le Temps des esclaves , La Table ronde, 1971.
Chapitre 31
Air Chirac
Dâordinaire dâune grande simplicité, cette organisation prit au fil des mois un tour de plus en plus cadré. Si aucun décret ne régissait la vie privée de Chirac, câétait tout comme : car tout semblait suivre un ordonnancement parfait. Sâattachant à ne commettre aucun impair, il fallait à Laumond séparer, de la manière la plus étanche possible, ce qui relevait de la sphère strictement familiale des Chirac de celle plus intime de son patron : une simple erreur dâétiquetage ou dâaiguillage et câeût été le drame.
Telle une pièce de théâtre, aux décors en trompe lâÅil et portes dérobées, la double vie du maire de Paris, et plus tard du président de la République, ressemblait ainsi à une scène de boulevard. Certains des subterfuges, parmi un arsenal, imaginés par Laumond et la sécurité rapprochée de Chirac, prirent parfois un caractère totalement vaudevillesque. Jusquâà décourager Feydeau lui-même, qui nâaurait osé les signer, tant certains de ces stratagèmes, destinés à tromper la vigilance de lâensemble de la famille chiraquienne â au sens politique et civil du terme â, furent parfois dâune grossièreté
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