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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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Catherine jeta Isabeau de Limeuil dans les bras de Condé ! En agissant de la sorte, elle utilisait sa méthode favorite de séduction par personne interposée. Si j’avais su à ce moment-là ce que j’ai appris depuis, je n’aurais pas éprouvé le moindre dépit à la lecture des vers extasiés que Pierre adressa à cette belle enfant. Mais j’ignorais l’intrigue et le rôle qu’y jouait Ronsard en prétendant être amoureux fou d’Isabeau… Il n’est d’ailleurs pas impossible qu’il s’en fût réellement amouraché tant il était vulnérable quand il s’agissait d’une nouvelle conquête à accomplir… N’a-t-il pas reconnu lui-même qu’il lui arrivait de se laisser prendre à son propre jeu ?
     
    J’aime à faire l’amour, j’aime à parler aux femmes,
    À mettre par écrit mes amoureuses flammes…
     
    Il avait un cœur enflammable comme l’étoupe ! Je l’ai très vite su et me suis cependant décidée à renouer de tendres liens avec cet homme inconstant auquel le premier vertugade venu tournait la tête ! Fallait-il qu’il me fût cher !
    … Je l’ai revu une seconde fois à Fontainebleau, en février 1564, puis à Bar-le-Duc, en mai.
    Entre-temps, j’avais perdu coup sur coup mon père et ma mère. Malgré le peu d’intimité que nous avions conservé, leur mort m’ébranla. Ils emportaient avec eux une part de mon enfance, une part qui n’appartenait qu’à eux et dont moi-même ne conservais que des miettes. Mes jeunes années disparues se trouvaient désormais à jamais enfouies avec mes parents dans leur tombe. Mes protecteurs naturels n’étaient plus. Malgré le peu de secours qu’ils m’avaient apporté aux moments les plus critiques de mon existence, je pleurai leur disparition en oubliant leur défaillance pour ne plus me souvenir que de la solidarité familiale qui m’était si sensible durant mon enfance…
    Je me retrouvais aux premières lignes, exposée sans intercesseur aux périls qui nous guettent jusqu’à notre propre fin.
    Ces deuils m’amenèrent à considérer d’un autre œil nos querelles humaines. Ils contribuèrent à me rendre plus indulgente envers mon prochain, donc, en premier lieu, envers Pierre, mon plus proche prochain…
    Dans le silence de la chambre, un léger cri se fait entendre. Une nouvelle fois, je me penche sur le sommeil de mon petit-fils. Il pousse encore deux ou trois vagissements sans cesser pour autant de dormir. Je guette son souffle qui reste paisible. Il a dû faire un mauvais rêve.
    J’attends un moment avant de regagner ma place auprès du feu.
    La reine mère avait décidé de donner à Fontainebleau de grandes fêtes à l’occasion d’une nouvelle tentative de rapprochement entre réformés et catholiques. Elle en offrit d’autres, peu après, à Bar-le-Duc en l’honneur du traité de paix qu’elle était parvenue à conclure avec la nouvelle reine d’Angleterre.
    Sur la demande de notre souveraine dont il était devenu un familier, Pierre dédia en cette seconde occasion un recueil d’ Élégies, Mascarades et Bergeries à Élisabeth I re .
    Je me trouvais participer par force à tous les divertissements et réceptions que mon mari se devait de fréquenter pour accomplir son devoir de maître d’hôtel de la duchesse de Lorraine.
    Pierre, qui ne s’était pas départi à Fontainebleau de la réserve dont je continuais à lui donner l’exemple, changea brusquement d’attitude. Il ne supportait plus le silence qui nous séparait. Aussi décida-t-il de tenter sa chance. Il me fit parvenir ses derniers poèmes par Guillemine. Il y avait souligné deux cartels où s’exprimaient tour à tour un chevalier content et un chevalier malcontent. Deux conceptions s’y opposaient : le bonheur d’un homme heureux en amour, l’accablement de celui qui se lamente « d’un espoir qui est désespéré ». Ce dernier s’écriait :
     
    Pourquoi m’as-tu, dès jeunesse, donné
    Pour me tuer, une dame si belle ?
    Elle sait bien que je languis pour elle,
    Que je l’adore, et que je l’aime mieux
    Cent mille fois que je ne fais mes yeux,
    Mon cœur, mon sang : car je n’aime ma vie,
    Sinon d’autant qu’elle en sera servie.
     
    Je ne pouvais pas ne pas retrouver là l’écho d’autres déclarations qu’il m’avait jadis adressées. Il y disait la même chose en des termes presque identiques. N’était-ce pas l’hommage de sa fidélité-infidèle qu’il me rendait une fois de plus ? Il

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