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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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de brefs instants d’agrément. Il ne lui promettait pas l’amour. N’étais-je pas cause de cette carence affective ? Comment ai-je pu considérer comme une rivale une femme à qui Pierre proposait si peu ?
    S’il faut d’ailleurs en croire ce qu’il a écrit sur cette histoire, Genèvre, elle non plus, ne souhaitait rien d’autre. Elle avait perdu quelques mois auparavant un amant qu’elle aimait de tout son cœur et répugnait à se lier de façon durable si peu de temps après. Tous deux cherchaient en réalité un peu de plaisir joint à un peu d’oubli…
    Pendant que Pierre se distrayait ainsi, les événements extérieurs prenaient le pas sur nos minces tribulations personnelles.
    Des signes nous avaient prévenus que des temps difficiles s’annonçaient. La grande comète étincelante, dont la chevelure de feu ondoyait si dangereusement derrière elle durant tout le temps qu’elle occupa le ciel en mars 1557, était pourtant un sérieux avertissement. La folle suffisance humaine refusa d’en tenir compte…
    Inutile d’évoquer la succession de maux qui a suivi la mort d’Henri II depuis ce tournoi maudit. J’y ai baigné. J’en ai tremblé comme tout un chacun. J’ai pu croire certains jours que ma fin était proche… Si j’acceptais pour moi sans trop de mal la perspective d’une brutale interruption de mon existence, en revanche, je ne l’ai jamais admis pour ma fille dont la jeunesse avait droit à l’espérance…
    Dès le règne informe de François II, pauvre enfant malade, roi adolescent dont j’ai croisé un instant, à la Cour de Blois, le regard traqué, il fut aisé de prévoir l’éminence du malheur. Même lorsque ses lèvres souriaient, les yeux noirs qu’il tenait des Valois demeuraient emplis d’angoisse et de fébrilité. Autour de lui tout le monde savait qu’il était condamné. Les efforts pathétiques de sa mère pour se persuader du contraire n’y changeaient rien. Quand il s’éteignit, sans être parvenu à atteindre ses dix-huit ans, il laissait un royaume divisé, fanatisé, prêt à exploser comme un baril de poudre !
    Parvenue au sommet du pouvoir en de si tragiques circonstances, notre cousine, Catherine de Médicis, désormais régente d’un pays où elle n’était guère aimée, fut nommée gouvernante de France pendant la durée de la minorité de Charles IX, âgé d’un peu plus de dix ans seulement. Quelle ascension pour la fille des Médicis mais aussi quel fardeau ! Depuis qu’on avait brûlé vif le conseiller du Bourg converti à la Religion réformée, les choses allaient de mal en pis. Les doctrines de Luther et de Calvin rencontraient toujours davantage d’assentiment. Les adeptes de la nouvelle foi se multipliaient, prenaient de l’audace. L’agonie de François II ne les avait même pas arrêtés. À Amboise, des conjurés aveuglés par la passion partisane n’avaient-ils pas projeté de s’emparer du souverain moribond ? Dans quel but ? Le rallier in extremis à leur cause ? Le convertir de force ? Le garder en otage ? Quoi qu’il en ait été, leur coup manqué s’était soldé par un horrible massacre. On avait pendu les factieux aux potences, aux arbres, aux créneaux et jusqu’aux fenêtres du château !
    La haine entre les deux camps n’en avait flambé que plus haut ! La maison des Guise, qui convoitait ouvertement le pouvoir, en profita pour avancer ses pions. En de telles conditions, la paix publique se vit compromise pour longtemps. L’unité morale du royaume était en lambeaux…
    C’est alors que Ronsard a lancé son premier cri d’alarme : l ’Élégie à Guillaume des Autels. Elle traduisait exactement ce que je ressentais, ce que des millions de chrétiens ressentaient. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas voir que l’Église catholique s’enfonçait chaque jour un peu plus dans la boue. Un immense nettoyage s’imposait. Les abus de toute espèce étaient devenus si courants que bien des croyants sincères se trouvaient ébranlés. Le Christ était trahi par une partie de ses prêtres. Les papes donnaient en premier l’exemple de la débauche, de la prévarication, de l’imposture… Il était urgent d’interrompre cette marche à l’abîme. À ses débuts, la Réforme n’avait pas d’autres intentions.
    J’ai connu bien des personnes qui pensaient alors de la sorte. Marie, mon amie à la foi si ardente, si zélée, y avait elle-même songé… Ne disait-on pas à cette

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