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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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convictions qu’il soutenait déjà par le verbe, les menaces planant sur plusieurs de ses cures, l’y incitèrent doublement. Il prit donc les armes.
    Comme je ne tardai pas à être mise au fait de son engagement, il me fallut bientôt trembler pour sa vie… C’est ainsi que j’appris qu’il avait failli être tué dans une embuscade où il avait essuyé cinq coups d’arquebuse. Cette arquebusade, qui me jeta dans les angoisses les plus vives, provoqua par ailleurs une grande effervescence dans notre région. Tout le monde en parlait et chacun se félicitait qu’un tel poète, un tel polémiste eût échappé à une fin si injuste.
    Quelle que pût être l’émotion des autres Vendômois, elle ne fut rien comparée à la mienne.
    En mesurant à quel point la perte de Pierre aurait été pour moi irréparable, je fus bien obligée d’admettre qu’en dépit de tout, je l’aimais toujours d’un amour sans seconde. La peur de sa mort et la fierté de le voir combattre avec tant de hardiesse sur tous les fronts à la fois, m’incitèrent à une plongée au tréfonds de mon cœur. J’aimais toujours, je n’avais en réalité jamais cessé d’aimer Pierre… La blessure qu’il m’avait infligée par mégarde et légèreté s’étant cicatrisée, l’idée d’un rapprochement, et donc d’un pardon préalable, s’imposa à moi.
    Une nouvelle complication surgit alors, qui vint se mettre en travers de l’élan qui me jetait vers mon amant.
    Combien de fois me serai-je vue ainsi éloignée du but alors que je me croyais sur le point de l’atteindre ? Mes relations avec Pierre n’auront été qu’une succession d’occasions manquées, repoussées, avortées… si on s’en tient aux apparences. En réalité, nous n’avons jamais été séparés que de façon visible. L’essentiel était préservé puisque nos âmes demeuraient unies…
    Cette fois-ci, ce fut la reine mère en personne qui intervint pour infléchir le cours de nos destins. En demandant à Pierre de composer des poèmes en l’honneur de la plus jolie, de la plus séduisante de ses dames d’honneur, elle joua le rôle de la fatalité pourvoyeuse de romans.
    Ce n’était pourtant nullement dans ses intentions. Elle souhaitait simplement inciter le prince de Condé, son prisonnier du moment, à s’éprendre d’Isabeau de Limeuil. Pour parvenir à ses fins, elle imagina de faire briller les attraits de sa suivante en priant Ronsard de les célébrer. Cette intrigue répondait à son désir de composer avec les huguenots pour ne pas avoir à les affronter. La situation était critique. Les Réformés avaient fait appel aux Anglais. Trop contents de reprendre pied sur le continent, ceux-ci s’étaient rapidement emparés du Havre, puis s’étaient vu livrer Rouen et Dieppe. Grâce au duc de Guise, on avait pu reconquérir Rouen, mais non sans pertes. Durant l’opération, notre duc, Antoine de Bourbon, avait été mortellement blessé. Profitant de la confusion, les Réformés avaient investi Paris. Dieu merci, nous les avions vaincus à Dreux ! C’est alors que le prince de Condé, devenu par la mort de son aîné chef incontesté et combien bouillant des assaillants, était lui-même tombé entre les mains des défenseurs de la capitale.
    Sa capture fut un événement ! Certains l’admiraient, d’autres le haïssaient. Il ne laissait personne indifférent.
    Dans l’ébullition générale, tout le monde s’entendit cependant pour critiquer les tentatives de conciliation faites par Catherine de Médicis. Notre famille s’y était d’ailleurs trouvée mêlée puisque la reine mère avait choisi Talcy en juin 1562 pour y rencontrer les chefs huguenots…
    Mon Talcy devenu lieu de négociations politiques ! Ce site béni de mon éveil à l’amour transformé en siège de si grands pourparlers !
    La tentative royale avait beaucoup fait jaser car personne n’ignorait que notre souveraine espérait parvenir à une entente avec les Réformés après la tuerie de Wassy, perpétrée à notre grande consternation par le duc de Guise et ses soldats. L’assassinat à Orléans de ce même François de Guise fit échouer la stratégie si péniblement élaborée et força la pauvre reine à signer une nouvelle paix à Amboise et à faire appliquer l’édit de Tolérance, promulgué en faveur des Réformés.
    L’édit étant fort mal considéré, la paix restait des plus précaire. C’est alors, en désespoir de cause, que

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