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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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n’y avait pas à s’y tromper. Comment y demeurer insensible ?
    Par l’entremise de ma dévouée Guillemine qui connaissait le secrétaire de Pierre, je lui envoyai à mon tour un billet de remerciement. C’était le premier échange de lettres entre nous depuis dix ans…
    Mon message demeurait cependant réservé et prudent. Tant de choses s’étaient passées depuis ces dix années ! Et puis notre mutuelle situation demeurait toujours aussi délicate…
    La reine mère ne s’attarda pas en Lorraine. Elle avait décidé d’entreprendre un long voyage à travers la France en compagnie du jeune roi son fils. Elle entraîna à sa suite une partie de la Cour que l’on vit alors processionner sur les routes en une vaste cohorte colorée, tapageuse et désordonnée… Cet intermède permettait à Catherine de Médicis de présenter au petit souverain les plus reculées de ses provinces tout en tâchant d’apaiser les esprits échauffés au-delà de ce qui était supportable.
    En fait, cette pérégrination qui dura deux pleines années était le dernier moyen qu’elle avait imaginé pour tenter de pacifier le pays déchiré tout en en profitant pour inspecter le royaume. Quand je pense qu’on a si longtemps prétendu que cette princesse était timide et dénuée de volonté ! Il n’y a pas plus tenace qu’elle, plus obstiné ! Elle fait preuve de beaucoup plus de caractère que n’en eut jamais son mari. Quant à ses fils, je préfère ne pas en faire mention. Ce serait trop navrant.
    En cette occasion, notre reine fit preuve, une fois encore, de diplomatie et d’adresse. Elle s’appliqua à visiter chaque province, chaque contrée, chaque recoin de ce grand corps malade qu’est la France, sans reculer devant aucune difficulté, ni aucune opposition. Ni la peste, ni la haine, ni les ruines ne parvinrent à entamer sa résolution… Je ne sais si cette patiente et méthodique tournée fut réellement utile, mais il est certain que Charles IX y apprit à mieux connaître la terre sur laquelle il devait régner.
    Au retour, en passant par Tours, la reine mère et le Roi allèrent visiter Ronsard en son prieuré de Saint-Cosme.
    Pierre ne s’était pas attardé lui non plus à Bar-le-Duc. L’échange de lettres auquel nous avions procédé n’avait pas été assez décisif pour le retenir sur place alors que mon mari continuait à exercer sur moi un contrôle de chaque instant. Il s’en était donc retourné vers la Touraine où il détenait depuis peu le bénéfice du prieuré de Saint-Cosme-lès-Tours. Il désirait s’y installer sans plus attendre. Son engouement pour Isabeau de Limeuil s’était évanoui et son état de santé le tourmentait de plus en plus au fil des ans. Je crois qu’il commençait à souffrir des rhumatismes qui devaient si gravement détériorer plus tard sa constitution déjà malmenée par la maladie dont il avait failli mourir durant sa jeunesse au cours de son voyage en Allemagne.
    Selon l’habitude qu’il avait toujours eue lorsqu’il se sentait blessé dans son corps ou dans son cœur, il s’était réfugié au pays de ses ancêtres, ou sur les bords de la Loire qu’il aimait.
    Devenu quelques mois plus tard prieur de Croixval en Vendômois, non loin de Couture, il y emménagea avec une satisfaction que je n’ai aucun mal à imaginer. Saint-Cosme et Croixval devinrent alors ses résidences préférées, ses domaines d’élection. Il s’y rendait aussi souvent que sa charge auprès du jeune Roi, qui s’était entiché de lui, ne le retenait pas à la Cour.
    Avant de mourir, ce sont encore ces deux prieurés-là qu’il a habités avec le plus de constance. Les allées et venues douloureuses, pathétiques, qu’il n’a cessé de faire de l’un à l’autre, alors qu’il se savait condamné, prouvent assez combien ces lieux lui étaient chers…
    Un ronflement semblable à un râle me fait sursauter.
    Tassée, abandonnée comme un vêtement inutilisable, Marie n’a plus d’âge. C’est une vieille femme terrassée par les ans qui a glissé en face de moi dans le gouffre d’un engourdissement qui ressemble tragiquement à une agonie…
    Cette vision m’est insupportable. J’hésite à réveiller mon amie. Seule la pensée du besoin qu’elle ressent d’un repos durable m’empêche de la secouer pour tenter de lui redonner vie…
    Quand nous nous sommes retrouvés à Montoire, Pierre et moi, en cet autre printemps de 1566, puisque le renouveau

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