Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
Vom Netzwerk:
époque que la reine mère n’était pas ennemie de la Religion réformée, qu’elle lisait la Bible, aimait à chanter les psaumes et voyait sans déplaisir de grandes dames de sa Cour comme Jeanne d’Albret, reine de Navarre, Marguerite de Savoie, la princesse de Condé, la duchesse de Montpensier et combien d’autres, qui s’étaient converties aux idées nouvelles ?
    Ronsard, de son côté, a reconnu par la suite s’être senti tenté, au commencement tout au moins, par une doctrine qui critiquait si utilement les erreurs commises par le clergé. Mais il s’est vite repris pour devenir sans tarder le soutien privilégié de la catholicité. Les outrances sacrilèges des tenants du nouveau culte lui parurent impies et profanatoires. Ce fut lui qui répondit avec le plus de mordant aux pamphlets et libelles huguenots qui inondaient le pays. Ses Discours des Misères de ce Temps, suivis bientôt de la glorieuse et magnifique Remontrance au peuple de France, m’éblouirent. Il s’y exprimait en défenseur d’une Église, dont il ne niait pas les errements, jugés par lui des plus graves, sans pour autant accepter de la renier ni de la détruire.
    Je suivais ces débats avec la plus extrême attention. Comme tant d’autres, je ne cessais pas d’être épouvantée par le déferlement de haine qui submergeait irrésistiblement le royaume. J’assistais avec horreur aux luttes abominables où l’exécration l’emportait au plus grand profit du Mal sur l’Esprit d’Amour. Si notre Église avait, de toute évidence, besoin d’être dépouillée des tristes oripeaux dont les siècles avaient fini par l’affubler, elle n’en restait pas moins la première dépositaire de la Révélation. De ce fait, elle méritait qu’on la révère à l’image d’une mère qui demeure sacrée en dépit de ses fautes. C’est ce que les Réformés se sont toujours refusés à admettre. L’aversion qu’ils vouent à cette malade me semble parricide.
    Pierre et les amis qu’il avait rassemblés autour de lui, sous le nom de Brigade, défendaient les mêmes opinions, les mêmes choix que les miens. D’où l’intérêt passionné que je portais à leur action.
    En regroupant écrivains et philosophes dans un mouvement d’idées auquel il avait donné cette appellation aux consonances guerrières, bien qu’elle se voulût uniquement littéraire, Ronsard avait eu une admirable idée. Devenue le fer de lance de l’opinion catholique, sa Brigade eut pour mission de répondre par la plume aux attaques de ses adversaires. Elle n’y a jamais manqué. Elle a contribué en grande partie à redonner confiance aux nôtres, que les terribles diatribes huguenotes avaient un moment déconcertés et divisés. Pierre et ses compagnons ont démontré de façon éclatante combien la lutte écrite pouvait avoir de poids dans un conflit religieux ou politique, et qu’en définitive les armes de l’esprit surpassent le fer et le feu.
    De mon côté, je participais autant que je le pouvais à ces assauts. Je lisais chacun des écrits de Pierre et tirais fierté de sa vaillance, de son esprit de repartie, de son éloquence.
    Nos entrevues demeurèrent finalement liées aux troubles qu’il nous était donné de vivre du même côté du fossé.
    Célèbre par son art, Ronsard l’était devenu encore davantage par ses prises de position à l’égard des Réformés. Non seulement il se battait contre eux par la plume, mais il avait été amené également à le faire par l’épée. Les violences, en effet, avaient gagné nos provinces. Le Mans, Tours, Blois où je tremblais pour les miens, étaient tombés aux mains des huguenots. Jeanne d’Albret, ardente luthérienne s’il en fut, mais aussi duchesse de Vendôme, avait introduit dans notre cité des lansquenets à sa solde. Ils avaient dévasté la collégiale Saint-Georges, profané les tombes, sans même respecter celles des ancêtres du duc, mari de la reine de Navarre, qui laissa faire tant d’abominations sans lever le petit doigt ! Dans les campagnes, ce n’étaient que pillages, incendies, viols, massacres. J’avais été obligée de quitter Courtiras où j’aimais tant séjourner aux beaux jours en compagnie de ma fille qui grandissait, pour regagner Pray, mieux défendu.
    Indignés, des gentilshommes de la vallée du Loir, les Ronsard, les du Bellay, beaucoup d’autres, se réunirent en formation défensive. Pierre adhéra à cette troupe armée et résolue. Les

Weitere Kostenlose Bücher