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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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présent c’est que je vous ai pardonné ?
    — À travers mes poèmes, j’ai exprimé mon repentir, Cassandre, vous le savez. Vous avez également pu constater que je ne cessais d’œuvrer à dissimuler votre nom et nos joies sous mille et un artifices.
    — Je vous en sais gré, Pierre, soyez-en persuadé. Le mal qu’avaient causé vos écrits s’en est trouvé en partie réparé.
    Il n’avait pas lâché ma main qu’il serrait dans la sienne.
    Une question me taraudait : se comportait-il de la même façon avec les autres femmes qu’il avait eu l’occasion de courtiser ?
    — Ne revenons pas sur le passé, dis-je. Non plus que sur les nombreuses présences féminines qui vous ont aidé à supporter notre séparation.
    — Vous vous moquez de moi !
    — Non point. Je crois avoir compris les causes qui vous poussaient à chercher ailleurs ce que je ne pouvais plus vous accorder. Tout cela est loin… Je suis venue afin que les choses soient tout à fait claires entre nous.
    Pierre soupira.
    — J’espérais que votre présence chez moi signifierait la reprise de nos amours. Le mien est sorti bien vivant de la longue épreuve que vous avez jugé bon de lui imposer. Je ressens pour vous les élans, les attirances, les émerveillements mais aussi les angoisses de nos jeunes années…
    Je secouai ma tête couverte d’un escoffion de soie verte brodé de couleurs dont Pierre a parlé plus tard dans un sonnet.
    — Soyez raisonnable, ami. Tout a changé depuis douze ans. Nous aussi. Je ne suis plus une jeune femme…
     
    — Si l’âge qui rompt et murs et forteresses,
    En coulant a perdu un peu de nos jeunesses,
    Cassandre, c’est tout un ! Car je n’ai pas égard
    À ce qui est présent, mais au premier regard,
    Au trait qui me navra de ta grâce enfantine
    Qu’encore tout sanglant je sens en la poitrine…
     
    — Je ne connais pas ces vers…
    — Je les ai composés après vous avoir quittée, l’autre soir, à Montoire… tout de suite après t’avoir revue…
    — Vous êtes incorrigible !
    — Je le suis !
    Il souriait. Je remarquai combien la nuance violette de son pourpoint de velours mettait en valeur le teint hâlé de sa peau, combien il conservait pour moi d’attrait en dépit des rides et des mèches argentées de sa chevelure.
    — Si j’ai tenu à venir vous rejoindre sans plus attendre, Pierre, ce n’est pas pour recommencer l’existence instable et menacée que nous avons connue voici douze ans. C’est pour vous dire que si je ne vous en veux plus le moins du monde, c’est en partie parce que je n’ai jamais cessé de vous aimer…
    — Cassandre !
    — Non, Pierre, non ! Écoutez-moi. Je vous aimerai jusqu’à mon dernier souffle, il est vrai, mais à distance. Vous fréquentez la Cour. Notre jeune Roi vous nomme son conseiller intime et même, à ce qu’on m’a dit, vous appelle parfois son père. C’est très bien ainsi. En plus de mon inaltérable tendresse, sachez, ami, que vous possédez aussi mon admiration. L’admiration d’une femme qui goûte davantage sa solitude provinciale que les mondanités proches du pouvoir, d’une femme qui a décidé de renoncer à la vie de Cour pour se consacrer au seul objet qui remplit sa vie : son enfant ! Mais qui n’en est pas moins sensible à l’éclat de vos triomphes, à la grandeur de votre gloire !
    — Ce n’est pas de votre admiration que je ressens le besoin, ma chère âme, c’est de vous… c’est de toi !
    Il posa ses mains sur mes épaules et me considéra un instant avec au fond des yeux une lueur que je retrouvais non sans une surprise émerveillée après douze années où j’étais restée si complètement sevrée d’hommages. Il m’était donc encore donné d’éveiller le désir… de susciter un regain de passion chez un homme que son génie et sa position à la Cour mettaient à même de choisir parmi les plus courtisées !
    Une onde de joie brûlante me monta au visage.
    Pierre m’attira contre lui, m’embrassa longuement, savamment… trop savamment. Que de bouches avaient dû lui être offertes avant de lui transmettre une telle science ! Je ne goûtais plus sur ses lèvres la fraîcheur violente et neuve de nos baisers d’antan…
    Je savourai pourtant celui-ci comme le dernier présent de l’amour, puis me dégageai, repoussai Pierre, me levai.
    — Voilà, dis-je. C’est fini. Je ne reviendrai plus chez vous. C’est beaucoup trop dangereux ! Ma décision

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