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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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programme des festivités données en l’honneur de l’entrée solennelle du Roi et de la Reine à Paris.
    Une fois de plus, nous nous revîmes au milieu des réjouissances et des rivalités farouches qu’offrait la Cour. Transportée ensuite à Blois, cette Cour étala devant nos provinciaux une dépravation dont l’impudeur frappa les esprits. Orgies, mascarades, dévergondages éhontés voisinaient avec de cruelles expéditions punitives ou des exécutions en place publique qui semblaient affreusement contribuer au plaisir des spectateurs. Dans un climat de haine jalouse et de soupçon, le Roi et son frère, le duc d’Anjou, donnaient l’exemple de la discorde.
    Vint ensuite l’union de la princesse Marguerite, sœur de Charles IX, avec notre duc de Vendôme, Henri de Bourbon, roi de Navarre. Mariage d’une catholique avec un réformé qui aurait dû apporter avec lui apaisement et tolérance mais qui ne précéda que de six jours la Saint-Barthélemy !
    Commencée à l’aube, la tuerie continua bien après que le soir fut tombé sur la ville ensanglantée !
    Affamé et fanatisé, le peuple transforma en boucherie ce qui n’avait été au départ qu’un règlement de comptes entre factieux. La famine sévissait en effet depuis longtemps chez les pauvres gens, la haine du huguenot sans cesse attisée s’y ajoutant, ce fut la curée… Pendant trois jours, on égorgea, pendit, éventra, noya tous ceux qui avaient le malheur de se trouver sur la route de la coulée démente qui tenait le pavé. Saccages et pillages allaient de pair avec l’assassinat…
    Jean, Cassandrette et moi n’eûmes que le temps de nous enfuir de la capitale où nous étions venus participer aux fêtes nuptiales qui avaient de si peu devancé l’hécatombe. Mais on n’échappait pas aisément à cette folie. La province s’embrasa à son tour. Comme une tache de sang sur un linge blanc, la démence meurtrière s’étendit, s’élargit peu à peu, s’étala, et finit par souiller le tissu entier de notre pauvre pays…
    Retranchée entre les murailles de Pray, je tremblais pour Pierre, pour Marie, pour mes frères et sœurs, pour tous les miens. Quant à ma fille, j’étais déterminée à assurer son salut, quoi qu’il advînt !
    En novembre de cette fatale année 1572, un nouvel astre, étincelant comme la plus brillante des étoiles, apparut dans le ciel. Chacun en fut frappé. On rappela l’étoile qui, à la naissance du Christ, avait conduit les mages jusqu’à Bethléem. Dans les deux camps, on en tira des conclusions contradictoires… Ce signe céleste se manifesta pendant dix-sept mois. Sa clarté néfaste échauffa encore un peu plus nos pauvres cervelles qui n’avaient pourtant nul besoin d’incitation !
    Peu après, le duc d’Anjou, frère haï de Charles IX, fut proclamé roi de Pologne et s’en alla sans enthousiasme vers son royaume du nord… Il ne devait pas y rester bien longtemps ! La mort de notre Roi, à peine âgé de vingt-cinq ans, précipita son retour…
    Dieu ! Quand j’y songe, quel siècle est le nôtre ! Quelle époque de fureur et de confusion ! Mais aussi combien déconcertante… Elle vit s’élever des constructions admirables, enfanta de grands artistes, assista à la découverte de mondes nouveaux, mais ne cessa de mêler le bruit des batailles, les cris des victimes, les hurlements des meurtriers à tant de beauté et de grâce ! Jamais le raffinement et le luxe ne furent aussi prisés, jamais les dissensions et le mépris de la vie d’autrui ne furent poussés à ce point… Pour nos contemporains, chefs-d’œuvre de l’art et de la violence vont de pair…
    Ronsard vécut, éprouva, traduisit chacun de ces fléaux, chacune de ces détresses. Sa grande voix avertit, éclata, tonna…
    Charles IX, qui l’aimait et le révérait tant, aurait peut-être fini par l’entendre. Sa fin prématurée ne lui en laissa pas le loisir…
    Lors des noces, à Reims, au cœur de l’hiver, du nouveau roi Henri, troisième du nom, avec Louise de Vaudémont, cousine des Guise, qui appartenait à la maison de Lorraine, j’eus, comme de coutume quand il s’agissait d’unions royales, l’occasion de rencontrer Pierre.
    En dépit de la surveillance maniaque de mon mari, je parvins à donner rendez-vous à mon ami en prétextant une visite à une abbaye des environs. Nous nous retrouvâmes à mi-chemin de la ville et du lieu saint, dans une métairie dont une de mes femmes

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