Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
Vom Netzwerk:
désaltéré à une source. Pour la première fois, le contact de ces lèvres aussi avides que douces, au goût de chair et de salive, éveilla en moi une curiosité encore endormie. Je rendis baisers pour baisers…
    Pierre s’empara alors à deux mains de ma tête environnée de mèches folles que la sueur faisait friser. Il me contempla si intensément, avec une telle adoration que mon âme verdelette en fut remuée.
     
    Quand, ravi, je me pais de votre belle face,
    Je vois dedans vos yeux je ne sais quoi de blanc,
    Je ne sais quoi de noir, qui m’émeut tout le sang,
    Et qui jusques au cœur de veine en veine passe…
     
    murmura-t-il de si près que son souffle était le mien.
    — J’aime ces vers, avouai-je, plus troublée que je ne l’avais jamais été.
    — Ils me sont venus d’instinct à l’esprit pendant que je vous regardais… Je dois vous dire qu’avant de vous réveiller j’ai longuement contemplé votre sommeil… Vous ressembliez à l’une des dryades de ma forêt de Gâtine. Je retrouve ici, autour de vous, les senteurs de sève échauffée, d’humus, de feuillage qui restent pour moi inséparables de mes premières errances dans les bois, de mes premières découvertes… La nature m’a beaucoup appris en Vendômois, Cassandre… Tantôt, en vous admirant alors que vous reposiez, il me semblait que tout ce que je savais déjà sur la beauté, la grâce, le pouvoir des femmes sur moi, avait soudain pris corps en vous, ou, plutôt, avait pris votre corps pour incarner mon désir en matérialisant mon idéal féminin sur une couche de mousse…
    Son expression était passée de la vénération à la convoitise. Une sorte de ravage intime creusait ses traits.
    Je me redressai, secouai mes cheveux retenus par de simples rubans de velours rouge, repoussai avec douceur les mains qui cherchaient mon corps à travers la mousseline. Il suivit mon mouvement. Nous nous sommes retrouvés, debout l’un contre l’autre, dans la chaleur craquante de l’après-midi… Nous nous sommes dévisagés comme nous ne l’avions jamais fait, raidis dans une tension qui me faisait peur mais qui l’enivrait.
    Pour lutter contre la faiblesse que je sentais rôder en moi autant que pour arracher Pierre à sa folie, je me suis élancée, jupe troussée au-dessus du mollet, pour courir vers le parc.
    D’abord décontenancé, Ronsard s’est bientôt jeté à ma poursuite. Son manteau et ses bottes le gênaient pour me rattraper.
    Au début, j’ai pris une courte avance, mais les mules qui me chaussaient m’ont vite gênée… Plusieurs fois, j’ai failli tomber.
    Comme je me trouvais encore au milieu du verger où ne s’attardaient plus que les floraisons éparpillées de quelques pommiers tardifs, Pierre parvint sans grande peine à me rejoindre. Haletant, rendu fou par cette fuite qui le transformait en chasseur, ce fut avec une sorte de sauvagerie éperdue qu’il m’a saisie et étreinte. Le souffle précipité, résolue à tourner la chose en plaisanterie, je me suis laissée aller un instant contre la poitrine de mon vainqueur sans mesurer que ce semblant de capitulation pouvait passer pour un acquiescement.
    Les baisers de Pierre se sont alors faits plus audacieux, plus impérieux aussi. Convaincu que je me rendais à lui, que je ne me refusais plus, que sa patience allait enfin recevoir sa récompense, il m’a renversée entre ses bras pour appuyer sa bouche sur mon cou, là où battait le plus bleu de mon sang. Parvenant enfin à ce qu’il souhaitait depuis si longtemps, il a suivi le fin réseau des veines, est descendu jusqu’aux seins mal défendus par mes lingeries malmenées, y a enfoui son visage…
    Ce fut alors que j’entendis au loin des appels répétés.
    — Pierre ! Nourrice me cherche ! Je lui ai faussé compagnie tantôt pour venir dormir loin des autres. Mon absence doit l’inquiéter. Sauvez-vous !
    Je me détachai de lui qui demeurait à demi égaré devant moi, remis un peu d’ordre dans mes vêtements.
    — Vous verrai-je demain ? gémit-il.
    — Oui. À demain, mais pas ici, pas seuls !
    Sans lui laisser le temps de se plaindre de cette décision, je posai un doigt sur mes lèvres encore chaudes des siennes puis m’élançai vers la barrière de l’enclos.
    Bien me prit de me hâter car je rencontrai presque aussitôt Nourrice, maugréant contre les têtes folles qui vont courir les bois au plus fort de la chaleur. Je pris une mine excédée et

Weitere Kostenlose Bücher