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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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être jamais à vous. Cassandre. »
    Catherine se chargerait, une fois encore, d’acheminer le léger colis…
    Je retirai alors seulement de mon doigt l’anneau de cheveux tressés que je portais depuis des mois, le glissai à nouveau dans le sachet de soie d’où je l’avais extrait un jour pour le présenter à Ronsard comme alliance, et l’enfouis avec un immense sentiment de culpabilité au fond de ma cassette à bijoux.
    C’en était fini de l’avenir étincelant, c’en était fini de ma véritable jeunesse… Je rentrais dans le rang. Je me casais. J’avais choisi la sécurité, que veux-tu, il fallait bien me soumettre à ses lois…
    Je pleurai jusqu’à l’aube…
    Accordailles, fiançailles, mariage se déroulèrent ensuite selon les règles.
    J’assistai sans y participer autrement que par ma présence physique aux réunions de famille qui se multiplièrent. Les parents de mon futur époux éteint morts tous deux, ce furent ses frères et sœurs qu’il me fallut rencontrer et apprendre à connaître. Je me prêtais aux attitudes que les convenances réclamaient. Comme hors de moi-même. Étrangère à des événements qui dansaient autour de moi une sarabande dont je ne percevais qu’assez mal qu’elle me concernait.
    Le matin de mes noces, pourtant, j’eus un sursaut.
    Je m’enfermai dans ma chambre et déclarai à travers la porte à ma mère, puis à mon père, enfin à tous les miens rassemblés, que je ne voulais pas devenir l’épouse d’un homme que je continuais à ne pas aimer.
    On me raisonna, on me tança, on ordonna, on me menaça.
    Devant mon obstination, deux de mes frères enfoncèrent la porte verrouillée. Ils se précipitèrent vers l’adolescente tremblante qui pleurait de rage impuissante au pied de son lit, la saisirent chacun sous un bras pour la traîner sans pitié aux pieds de notre père.
    Jupiter tonna. J’obéis.
    Il fallut me bassiner le visage avec de l’eau de bleuet, refaire ma coiffure dont les tresses perlées s’étaient échappées de l’attifet brodé de soie qui les surmontait, réviser l’ordonnance de ma robe en toile d’argent doublée de taffetas changeant, dont les manches à crevés de satin aurore étaient retenues par des nœuds de perles fines…
    Ce fut une mariée pâlie, aux yeux battus, mais aux vêtements de joie, qui s’engagea pour toujours, par un matin de novembre sous un ciel gris de fer, devant l’évêque Bernard Salviati venu tout spécialement officier dans notre chapelle castrale. Notre double parentèle et nos amis réunis pour l’occasion assistèrent au don que je fis de ma personne à Jean III de Peigné, seigneur de Pray, fils et petit-fils de maîtres des Eaux et Forêts du duché de Vendôme, héritier féodal de la charge. Comme il fallait s’y attendre, ce mari que je connaissais si peu, si mal, déploya durant la cérémonie puis les festivités qui suivirent, un faste, une magnificence, qui éblouirent nos invités.

7
    Tant de plaisirs ne me donnent qu’un pré
    Où sans espoir mes espérances paissent.
    Ronsard.
     
    Pray est un château d’importance, tu le sais. Je ne l’ai cependant jamais beaucoup aimé. Je ne m’y sentais pas chez moi mais plutôt chez mon mari.
    Si le domaine n’était pas mien, l’homme ne l’était pas non plus.
    Dès le début de notre union les choses se détériorèrent. Après nos noces, et durant plusieurs jours, durant plusieurs nuits, je me refusai à lui. Je prétextai la fatigue, l’appréhension, la pudeur, mon jeune âge, la manière dont j’avais été élevée. J’allai jusqu’à lui parler d’amour courtois…
    Jean commença par s’incliner devant mes effarouchements. Puis il s’énerva, invoqua les droits de l’époux, finit par exiger son dû.
    Il me fallut me résigner à accomplir un devoir conjugal qui ne mérita jamais si bien son nom.
    Pour que tu me comprennes, sache que les animaux de nos fermes, qui se contentent de saillir leurs femelles de la plus directe, de la plus bestiale façon, ne se comportent pas autrement que ne le fit celui par qui je devins femme.
    C’est à eux que je pensais chaque fois que mon mari venait me rejoindre, le soir, dans ma chambre.
    N’ayant pas accepté de partager la sienne, j’avais obtenu un appartement pour moi et mes servantes dans l’aile gauche du château. Jean, qui logeait dans l’aile droite, se voyait donc forcé de traverser plusieurs pièces et couloirs avant de pouvoir me retrouver. Au

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