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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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ressent pour un enfant de son sang, l’autre bienfait que je tirai de mon séjour à Talcy lors des couches de Jacquette, fut le départ de Marguerite loin de chez moi.
    Quand je revins à Courtiras, la place était nette de toute présence indésirable. Lassée de m’attendre et rappelée à Pray par les travaux à effectuer sur des toitures endommagées par la grêle, la sœur de Jean s’en était allée.
    En revanche, un poème m’attendait. Posé sur mon oreiller, un rouleau de parchemin noué d’un souple rameau de lierre feuillu contenait le plus délicat, le plus amoureux des sonnets.
     
    Que dites-vous, que faites-vous, mignonne ?
    Que songez-vous ? Pensez-vous point à moi ?
    Avez-vous point souci de mon émoi,
    Comme de vous le souci m’époinçonne ?
     
    De votre amour tout le cœur me bouillonne,
    Devant mes yeux sans cesse je vous vois,
    Je vous entends absente, je vous ois,
    Et mon penser d’autre amour ne résonne.
     
    J’ai vos beautés, vos grâces et vos yeux
    Gravés en moi, les places et les lieux,
    Où je vous vis danser, parler et rire.
     
    Je vous tiens mienne, et si je ne suis pas mien,
    En vous je vis, je m’anime et respire,
    Mon tout, mon cœur, mon sang et tout mon bien.
     
    Y avait-il au monde une autre voix que celle de Pierre pour me parler ainsi ? Y avait-il un autre homme pour me vouer un tel amour au bout de tant d’années de vaines espérances ? Y aurait-il jamais un autre poète pour me chanter comme celui-là savait le faire ?
    Je contemplai, songeuse, le lien de lierre. Son symbole n’était-il pas : « Je meurs où je m’attache » ? Je l’enroulai autour de mon poignet et m’assis sur mon lit pour réfléchir.
    Avais-je assez lutté, m’étais-je assez débattue… Depuis deux ans que je vivais en Vendômois, j’avais tout tenté pour demeurer fidèle à mon devoir d’épouse : ruses, obstacles accumulés, dérobades, feintes colères… Si la Providence avait tenu à me voir observer jusqu’au bout mes engagements envers un mari volage, Jean serait-il parti à la guerre ? Je n’étais en rien responsable d’une séparation facilitant de manière si opportune le rapprochement amoureux souhaité avec tant d’ardeur par Ronsard… et par moi aussi, je devais bien me l’avouer.
    Après des heures de fiévreuses insomnies, je finis par m’endormir pour faire un songe. Je rêvai du Loir. Un visage de bronze vert se détachait de l’eau, se soulevait au-dessus d’elle, se tournait vers moi. Sur la bouche du bel ondin glissait un sourire sensuel, enjôleur, complice, tentateur. Une promesse s’y lisait…
    Le lendemain matin, je décidai de rendre visite à Pierre chez lui.
    Je fis seller ma mule blanche, prétextai la nécessité d’aller porter à une parente de Jacquette qui habitait Vendôme, des nouvelles de la mère et de l’enfant, puis me hissai sur ma monture. C’est ainsi que je m’en allai, résolue et anxieuse à la fois, vers l’unique aventure de ma vie de femme.
    Tu ne t’attends pas, Guillemine, à ce que je te décrive dans le détail les heures passées rue Saint-Jacques. Tu as raison. Sache seulement que, de la fin avril au début du mois d’août, j’ai connu des moments plus intenses que durant le reste de mes jours.
    Sous le soleil comme sous la pluie, dans la « chambrette heureuse » de Vendôme que Pierre a évoquée par la suite aussi bien qu’au milieu des bois où nous découvrions, à l’abri des branches, des alcôves de verdure et de mousse, sur l’herbe odorante et fraîche des rives du Loir, parmi le foin de nos greniers dont la forte senteur mêlée à la chaleur régnait, étale, partout où il nous était possible de nous abandonner aux bras l’un de l’autre, nous nous aimions librement.
    Ne suppose pas pour autant que je vivais sans remords ni contrition. Apprends que je n’ai jamais consenti à faire entrer Pierre dans ma chambre aux damas fleuris afin de l’y recevoir dans mon lit à baldaquin. Il me paraissait capital d’épargner au toit conjugal toute compromission avec l’adultère. Une telle précaution peut paraître puérile, mais je respectais d’instinct cet interdit et me faisais une stricte obligation de m’y conformer… Il m’arrivait aussi de fermer ma porte durant plusieurs jours de suite à l’homme éperdu qui me suppliait de revenir à lui. À d’autres moments, je pleurais contre sa poitrine.
    — Pourquoi ces larmes, ma Cassandre ? demandait-il sans

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