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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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une union qui m’éloignait de façon si implacable de celui que je m’étais mise à tant aimer !
    Une nouvelle fois, Pierre m’avait proposé de m’enfuir avec lui. Une nouvelle fois, j’avais refusé. Non pas qu’une telle solution ne m’eût tentée cette fois-ci, mais je savais que mon mari nous poursuivrait partout de sa haine vengeresse. Il n’aurait de cesse de prendre sa revanche, une revanche exemplaire, à la mesure de l’offense que nous lui aurions infligée. Il se montrerait d’autant plus implacable qu’il était par nature soucieux de l’opinion d’autrui. Par respect humain, il serait sans pitié.
    Seuls ma soumission et un repentir feint pourraient, peut-être, détourner de nous sa fureur.
    La carrière de Ronsard, si prometteuse mais encore si fragile ne survivrait pas à un scandale de cette envergure. Sa vie même pouvait se trouver en péril…
    Notre dernière nuit s’écoula dans le pavillon de musique où nous avions connu de si douces heures… Mes doigts conservent le souvenir du satin de soie qui recouvrait les coussins où nous étions étendus… Jamais encore Pierre ne m’avait possédée avec un tel emportement. Jamais je ne m’étais donnée avec tant de violence désespérée. Des sanglots se mêlaient à nos plaintes amoureuses et nous gémissions de chagrin autant que de plaisir…
    — Jean sera de retour demain ou après-demain, dis-je quand l’aube se leva sur la vallée. Il sera presque aussitôt averti par sa sœur de ce qui s’est passé ici en son absence. Garde-toi de revenir, mon amour. Ce serait inutile et dangereux pour nous deux.
    — Que vais-je devenir loin de toi, me rongeant le cœur à imaginer ce qu’il va te falloir subir ? Je ne serai qu’angoisse.
    — C’est pourtant l’unique manière d’agir si nous voulons voir se calmer la colère de Jean. Ta présence lui était déjà difficile à supporter avant cette guerre. Désormais, elle n’est même plus concevable.
    — Je ne peux rester à Vendôme, si proche et si éloigné de toi, à me mordre les poings…
    — Va donc à la Possonnière. Tu y es toujours bien reçu. Demeure chez ton frère jusqu’à ce que je puisse te donner de mes nouvelles. Ensuite, nous verrons…
    C’est sur ces mots de fausse espérance que nous nous sommes arrachés l’un à l’autre…
    En évoquant nos adieux, aujourd’hui encore, vois-tu Guillemine, je me sens le cœur rompu comme en cet instant de malheur… Il est vrai que depuis deux jours, notre séparation est devenue éternelle…
    Que te dirai-je que tu ne saches déjà du retour de mon mari ?
    Durant l’été et l’automne qui suivirent, tu m’as vue pleurer et traîner ma pauvre existence d’heure en heure, de peine en peine…
    Comme je m’y étais attendue, Jean n’avait pas tardé à être informé, peu importe par qui, des séjours effectués par Pierre à Courtiras, de mes visites à Vendôme, de nos rendez-vous dans la campagne, de nos errances à travers prés et bois…
    Je n’avais rien renié. Sous les reproches les plus insultants, je me taisais. Je me suis tue durant des semaines. Les injures, les imprécations, les coups dont j’étais abreuvée n’y changèrent rien. Jean vociférait, me traitait de putain, me menaçait des pires sévices. Je restais muette. Mes larmes, mes fuites, étaient mes uniques réponses.
    Ce qui me coûta le plus fut l’intérêt, aussi soudain que trouble, produit sur les sens de mon époux par ce qu’il imaginait de ma conduite. Dès le soir de son retour, alors que je venais d’essuyer la première et féroce scène de ce mari trompé, je vis une lueur équivoque s’allumer dans son regard au moment où je m’apprêtais à regagner ma chambre.
    — Halte-là ! s’écria-t-il. Il serait trop commode d’avoir pris du bon temps pendant que j’étais au combat et de me planter là maintenant que je suis revenu ! J’entends exercer sur vous mon droit de prise, ma belle catin !
    Je m’étais préparée à sa fureur, à son mépris, pas à sa concupiscence. Une peur panique me fouailla. Je m’élançai vers la porte. Il y fut avant moi, me saisit à bras-le-corps, me renversa sur un coffre qui se trouvait près de nous et me prit comme un soudard. Comme le soudard qu’il était sous ses apparences de courtisan !
    Je ne souhaite à aucune femme, fût-elle ma pire ennemie, une humiliation pareille, une souillure pareille ! J’étais traitée par Jean comme une fille à

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