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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jeanne Bourin
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de grosses bûches incandescentes, nous buvions du vin chaud aux épices, nous évoquions les péripéties de la poursuite. Les autres jours, la musique, le trictrac, la composition de nouveaux poèmes, l’un près de l’autre, les pieds sur les chenets, occupaient notre temps.
    Comme je l’avais prévu, le piège amoureux s’était bel et bien refermé sur nous… mais était-il coupable ce repliement qui me permettait d’explorer chaque recoin d’une âme chaleureuse, sensible, généreuse, ardente, d’un esprit capable de partager les goûts des plus doctes comme les souffrances des plus misérables ?
    En comparant Pierre à mon mari, j’en arrivais à penser que je ne pouvais ni me déjuger ni faire le mal en préférant un homme doué de telles qualités à un autre qui en avait si peu. Les jours passant, j’en arrivai à m’absoudre par avance des faiblesses auxquelles je pourrais me laisser entraîner…
    Ronsard accaparait mon temps, mes pensées, mon cœur. Les caresses qu’il s’enhardissait de nouveau à risquer ne m’étaient plus importunes… Je glissais sur une pente fort douce dont tout laissait à prévoir qu’elle me mènerait là où Pierre le désirait tant…
    Ce fut la déclaration de guerre à l’empereur qui freina ma chute !
    À la mi-février, Henri II, accompagné de la Cour au grand complet, se rendit au Parlement de Paris pour y tenir un lit de justice. Il y informa l’illustre assemblée de sa décision de déclarer la guerre à l’ennemi.
    Durant les hostilités et en son absence, la reine deviendrait régente du royaume. Un conseil, dont le Dauphin François ferait partie, l’assisterait.
    Peu après, la maison du Roi s’établit à Troyes. Dès le début du mois de mars l’armée commença à se concentrer en Champagne.
    Ainsi que je l’avais imaginé, pour ne pas dire espéré, mon mari partit rejoindre le ban de son souverain. Mon frère Jean l’y avait devancé.
    Avant de s’en aller, mon époux tint cependant à venir me saluer. C’était tout à fait dans sa manière. S’il n’éprouvait plus à mon égard le moindre attachement, il ne manquait pas pour autant de se soumettre à un code des convenances qui demeurait à ses yeux plus important que la réalité des choses. J’étais sa femme. Il estimait donc, selon l’usage établi, devoir me manifester un minimum de considération en dehors de laquelle il n’aurait plus été en accord avec les conventions qui régissaient son existence.
    Mais il ne vint pas seul. Sous le vain prétexte de l’ennui qui n’allait pas manquer de m’accabler après son départ aux armées, il amena avec lui sa sœur bossue.
    — Marguerite vous aime tendrement, elle se fera une joie de vous tenir compagnie pendant que je serai en campagne, me dit-il avec componction. Elle vous aidera à supporter l’angoisse et l’incertitude qui sont le lot des épouses de guerriers.
    Je ne fus pas dupe un instant de ces belles paroles. Plus que de chaperon ou de confidente, ma belle-sœur allait me servir de surveillante et, peut-être bien, de geôlière !
    Mais la vie est remplie de surprises. La perfide précaution de Jean se trouva momentanément déjouée par un événement familial d’importance : Jacquette était sur le point d’accoucher.
    Son mari à la guerre, ma mère retenue à Blois par une fièvre maligne qui la clouait au lit depuis plusieurs semaines, ses parents morts tous deux, Jacquette n’avait plus d’autre recours que de me demander de venir la rejoindre à Talcy.
    Je ne peux pas te dire que ce fut sans répugnance que j’envisageai sa proposition. Tu sais que je ne l’ai jamais beaucoup aimée. Par ailleurs, je me trouvais moi-même à un tournant de ma destinée. Mon mari au combat, Pierre et moi soudain libérés de la perpétuelle menace des retours impromptus de mon seigneur et maître, notre amour enfin épanoui, tout me retenait à Courtiras.
    Mais le moyen de refuser à la femme de son frère un service de cette importance ? Mon devoir était de l’aider. Dans ma famille, personne n’aurait d’ailleurs compris mon absence. Elle aurait suscité bien des soupçons.
    Il n’est pas impossible que je me sois également dit qu’une dernière chance d’échapper au péché m’était ainsi offerte, que je n’avais pas le droit de l’écarter… puis la présence imposée de Marguerite m’était offense. Ce fut avec un agréable sentiment de revanche que je saisis l’occasion si

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