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Les amours du Chico

Les amours du Chico

Titel: Les amours du Chico Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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l’inquiétude, ses yeux de velours noir
fixés sur elle avec une extase de dévot adorant la Vierge, ils
constituaient un tableau d’une grâce juvénile, d’une fraîcheur
incomparable, que Pardaillan, artiste raffiné et délicat, ne se
lassait pas d’admirer.
    – Méchant !… murmura Juana d’une voix qui ressemblait
au gazouillis d’un oiseau. Méchant ! voici quinze grands jours
que je ne t’ai vu !
    « Voilà donc où le bât te blessait, petite Juana !
songea Pardaillan, qui souriait intérieurement. Voilà donc le
secret de cette pâleur intéressante, de ces airs dolents et
désabusés, de ces pâmoisons et de ces larmes ! »
    Le Chico n’en pensa pas si long. L’affreux malentendu se
continuait, s’acharnant à les séparer. Dans son incurable timidité,
dans sa modestie poussée à l’extrême, le petit amoureux s’imaginait
que sourires, larmes, pâmoisons, douces paroles, reproches voilés,
tout cela qui s’adressait à lui, en apparence, n’était pas pour
lui, que tout cela, passant par-dessus sa tête, était à l’adresse
de celui qui les contemplait en souriant d’un bon sourire
fraternel.
    Les paroles de Juana avaient pour lui un sens caché qu’il
traduisait ainsi :
    « Méchant, tu m’as laissée quinze jours sans m’apporter de
ses nouvelles. Nous devions coopérer ensemble à sa délivrance et tu
as agi seul, et je n’ai pas eu la joie de participer à cette
délivrance. Nous devions mourir ensemble pour lui et tu m’as
laissée à l’écart au moment du danger. »
    Voilà ce que se disait le malheureux. Et c’est pourquoi il
baissa la tête comme un coupable et balbutia :
    – Ce n’est pas ma faute… Je n’ai pas pu…
    – Dis plutôt que tu n’as pas voulu !… N’était-il pas
convenu que nous devions agir de concert… le délivrer ensemble, ou
mourir ensemble, avec lui ?
    « Oh ! oh ! songea Pardaillan qui prit ce visage
hermétique qu’il avait dans ses moments d’émotion violente, voici
du nouveau, par exemple. »
    Et avec un frémissement :
    « Quoi ! cette chose affreuse aurait pu se
produire ? Ma mort eût été la condamnation de ces deux
adorables enfants ? Par Pilate ! je ne pensais pas qu’en
travaillant à sauver ma peau, je travaillais en même temps pour le
salut de ces deux innocentes créatures… Qui sait si ce n’est pas
pour cela que j’ai si bien réussi ?… »
    Le Chico avoua dans un souffle :
    – Je ne voulais pas que tu meures !… je ne pouvais pas
accepter cela… non, je ne le pouvais pas.
    – Tu préférais mourir seul ?… Et moi, méchant, que
serais-je devenue ?… Ne serais-je pas morte aussi si…
    Elle n’acheva pas et, rougissant plus fort, elle cacha sa tête,
à nouveau, dans ses mains. Et ce fut encore une fatalité qu’elle
n’eût pas le courage de terminer sa phrase. Car le Chico, qui la
considéra un moment avec une ineffable tendresse, hochant la tête
d’un air apitoyé, acheva ainsi la phrase : « Je serais
morte aussi… s’il était mort ». Et le regard douloureux et
cependant toujours affectueusement dévoué qu’il jeta sur
Pardaillan, en se redressant lentement, exprimait si clairement
cette pensée que celui-ci, emporté malgré lui, lui cria :
    – Imbécile !…
    Le Chico le regarda d’un air effaré, ne comprenant rien à cette
exclamation peu flatteuse, encore moins pourquoi son grand ami
paraissait si fort en colère contre lui.

Chapitre 20 BIB-ALZAR
    Pardaillan comprit que la situation risquait de se prolonger
indéfiniment sans amener le dénouement qu’il voulait. Il n’avait
pas de temps à perdre, ayant fort à faire et sentant qu’il lui
fallait, de toute nécessité, quelques heures de repos. Il renonça
donc, momentanément, à son projet au sujet des deux naïfs amoureux,
et de sa voix bougonne coupa court en s’écriant :
    – Morbleu ! ma gentille Juana, vous oubliez décidément
que j’enrage de faim et de soif et que je tombe de sommeil. Ça,
vivement, deux couverts ici, pour mon ami Chico et moi. Et ne
ménagez ni les victuailles ni les bons vins !
    – Ah ! mon Dieu ! s’écria Juana en bondissant, et
moi qui oubliais que, depuis quinze jours, vous n’avez rien
pris !
    Et aussitôt, l’instinct de bonne ménagère et de bonne hôtesse
qu’elle était reprenant le dessus, elle s’échappa, gracieuse et
légère, peut-être pas tout à fait satisfaite de son explication
avec le Chico, mais le cœur débordant de joie,

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