Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
Vom Netzwerk:
Jacques Legrand s’était adressé à Isabeau. Un des courtisans crut bon de lui citer quelques passages du sermon. En apprenant que la reine avait été traitée de débauchée et comparée à Vénus elle-même, Charles VI manifesta une grande satisfaction.
    — Quel bon moine ! fit-il. Je veux le connaître.
    Et, tandis que les princes se retiraient furieux, le roi décidait que Jacques Legrand prêcherait devant lui, le jour de la Pentecôte…
     
    Toute la cour attendit ce jour avec une grande anxiété. Lorsqu’il arriva, le roi, la reine et les ducs de France se rendirent à l’église. La première partie de la messe, ainsi qu’on l’imagine, fut suivie distraitement par la plupart des fidèles qui n’étaient venus que pour assister à un scandale… Enfin, le moine monta en chaire. Il avait pris pour thème : « L’Esprit-Saint vous enseignera toute vérité. » Pendant les premières minutes, il déçut un peu son auditoire en se réjouissant de la venue du Saint-Esprit ; mais ce n’était que par manière de préambule, car, changeant brusquement de ton, il parla, en termes violents, de la débauche des princes, condamna les mœurs de la cour et s’éleva avec force contre les vices de ceux qui étaient à la tête des États.
    « À peine le roi eut-il entendu ces choses, nous dit un chroniqueur [124] , qu’il se leva et vint se placer en face du religieux. Tout autre eût été intimidé par la vue d’un si grand prince. Mais lui n’en montra que plus de résolution. Il continua son discours et, adressant la parole au roi lui-même, il lui dit qu’il devait prêter une sérieuse attention à ce qu’il venait d’entendre.
    « Il signala ensuite une personne, sans la désigner autrement que par le titre de duc, qui avait montré dans sa jeunesse les plus heureuses dispositions, mais qui, depuis, s’était attiré les malédictions du peuple par toutes ses débauches et sa cupidité. »
    Devant les fidèles stupéfaits, le roi applaudit la franchise du courageux moine. Quant à Isabeau, elle rentra chez elle dans un état de fureur qui l’obligea à se mettre au lit.
    Le lendemain, elle donna l’ordre de faire arrêter Jacques Legrand. Les gardes ne bougèrent pas. Le roi, qui était décidément dans une période de lucidité, avait pris le moine sous sa protection. Lorsqu’elle l’apprit, la reine fut profondément vexée, et son caractère, nous dit-on, s’en trouva aigri…
    Les attaques lancées contre elle et contre le duc d’Orléans n’étaient d’ailleurs pas ses seuls sujets de soucis. Depuis quelque temps, elle savait que son bel amant la trompait avec de nombreuses dames de la cour, de la ville et même de la rue.
    Très séduisant, beau parleur, le duc d’Orléans, qui avait alors trente-quatre ans, rendait nerveuses toutes les femmes qu’il approchait, et ses contemporains racontaient qu’il avait « un anneau dont le contact avait la vertu de fasciner les dames et de les soumettre sans obstacle à ses désirs impurs ».
    Il parlait d’ailleurs lui-même de ses exploits amoureux avec une extrême fatuité.
    — Je tiens, disait-il, de la plus grande jusqu’à la plus petite qui soit au monde, qu’elle ne se plaigne de moi.
    À aucun moment, ni la reine ni Valentine n’avaient donc eu le privilège de ses hommages. Mais Isabeau, bien qu’elle trompât sans aucun scrupule tous ses amants, n’imaginait pas qu’on pût lui être infidèle.
    Or, un jour, une histoire qui courait Paris lui fut rapportée, et elle dut se rendre à l’évidence : elle était cornette comme une simple bourgeoise.
    Voici comment Brantôme nous conte cette piquante anecdote qui ouvrit les yeux d’Isabeau sur son infortune : « Louis d’Orléans étant couché avec une fort belle et grande dame, le mari de celle-ci vint en sa chambre pour lui donner le bonjour. Vite, rabattant le drap sur la tête de la dame, il lui découvrit tout le corps, le faisant voir tout nu et toucher à son bel aise par le mari, avec défense expresse sur la vie de n’ôter le linge du visage, ni la découvrir autrement, à quoi il n’osa contrevenir. À plusieurs reprises, le duc d’Orléans demanda au mari ce qui lui semblait de ce beau corps tout nu ; l’autre en demeura tout éperdu et grandement satisfait. Alors, le duc lui bailla congé de sortir de la chambre, ce que fit le mari sans avoir jamais pu connaître que ce fût sa femme. »
    Et Brantôme interrompt un instant son récit

Weitere Kostenlose Bücher