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Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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bois.
    En d’autres temps, ils eussent, les uns et les autres, profité de cette occasion pour boire un verre de vin pétillant ou pour se raconter quelque histoire gaillarde, en se chauffant la paume des mains aux tisons. Mais aujourd’hui, 15 novembre 1080, ils avaient tous, Orléanais et gens d’armes du roi, le même visage recueilli devant les flammes dansantes.
    Agenouillés à même le sol, ils priaient. Et leur prière était bien curieuse.
    — Seigneur Dieu, disaient-ils, faites que notre reine Berthe, femme de notre roi Philippe, donne bientôt le jour à un enfant… Faites que notre gentil sire trouve dans ses reins la force de procréer et, dans son sang, la semence de vie…
    Depuis huit ans, en effet, cette prière était obligatoire dans tout le royaume. Chaque sujet disposant de quelques instants de répit dans son travail devait en profiter pour la réciter avec une pieuse ferveur. Les moines, dans leurs abbayes, les évêques, dans leurs chapelles, les religieuses, dans leurs couvents, avaient cette même obligation ; tout le monde priait pour que l’union royale ne demeurât pas stérile.
    Or, ce jour-là, au moment où les Orléanais s’adressaient au ciel, avec, peut-être, quelque distraction, un homme et une femme agenouillés sur les dalles de la chapelle du château d’Orléans disaient, à tour de rôle et à haute voix, des paroles qui n’étaient pas pour eux une prière apprise, mais une émouvante requête qu’ils improvisaient en pleurant.
    C’était Philippe I er , roi de France, et Berthe de Hollande sa gracieuse épouse…
    — Donnez-nous un petit enfant, Seigneur…
    Après avoir prié pendant deux longues heures, ils remontèrent jusqu’à leur chambre, et, comme le moment du dîner n’était pas encore proche, ils se couchèrent et firent en sorte que le ciel pût les exaucer facilement…
     
    Il y avait huit ans (depuis 1072, date du mariage royal) que le royaume entier priait en vain ; huit ans que le roi passait son temps à s’agenouiller et à se coucher sans résultat. Exténué par cette gymnastique, Philippe pensait à répudier la reine et à prendre pour femme une de ces filles d’Allemagne réputées pour leur fécondité extraordinaire.
    Il n’en eut pas besoin. Les prières de toute cette ville rendue inactive par la pluie touchèrent le ciel, qui donna enfin aux reins de Philippe la force qu’il désirait…
    Et, l’été suivant, la reine mit au monde un bébé qui devait être appelé un jour Louis VI le Gros.
    Le royaume de France applaudit à grands cris et se remit aussitôt en prière.
    Mais, cette fois, pour remercier le ciel…
    Ravi et soulagé, le couple royal vécut heureux jusqu’en 1092. Puis il arriva que Philippe prit Berthe en dégoût et la répudia.
    — Allez-vous-en, dit-il, vous êtes trop grosse !
    Sans discuter, mais effondrée de douleur, la pauvre reine alla se retirer à Montreuil-sur-Mer.
    Philippe avait, à ce moment, quarante ans et un tempérament ardent. Dès qu’il fut libre, il commença à chercher une autre épouse plus svelte.
    Il n’avait pas encore fixé son choix, lorsqu’il reçut la visite d’un homme qui venait de la part de Bertrade de Montfort, femme de Foulques le Réchin, comte d’Anjou, et qui lui dit :
    — Dame Bertrade a grand-peur de se voir répudier par son mari qui n’a pas craint de renvoyer ses deux premières femmes de la façon la plus honteuse. Aussi préfère-t-elle prendre les devants et le quitter pour épouser un autre homme. Comme elle vous admire beaucoup, messire, et que vous êtes présentement libre de femme, elle aimerait bien vous rencontrer.
    Philippe, qui connaissait Bertrade de réputation, ne se le fit pas dire deux fois. Il partit aussitôt pour Tours, où elle se trouvait avec son mari.
    Il fut littéralement subjugué par la jeune femme, qui avait non seulement les yeux les plus langoureux du monde, mais encore, dans la démarche, quelque chose de lascif qui plaisait généralement.
    D’ailleurs, voici ce que nous dit le chroniqueur Suger de cette jolie, mais dangereuse personne : « C’était une femme remplie d’agréments et consommée dans ces admirables artifices naturels à son sexe, à l’aide desquels les femmes hardies mettent sous leurs pieds des maris qu’elles ont accablés d’outrages ; elle avait tellement plié à ses volontés le comte d’Anjou, quoique entièrement exclu de son lit, qu’il la respectait comme une souveraine

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